Ne croyez pas que je sois venu pour abolir la loi ou les prophètes, mais pour accomplir. Laurent Condamy

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Exemple

Ne croyez pas que je sois venu pour abolir la loi ou les prophètes, mais pour accomplir. Laurent Condamy

 

Première lecture : Exode 22.20-26

 » 20. Celui qui offre des sacrifices à d’autres dieux qu’à l’Eternel seul sera voué à l’extermination. 21. Tu ne maltraiteras point l’étranger, et tu ne l’opprimeras point ; car vous avez été étrangers dans le pays d’Egypte. 21. Tu n’affligeras point la veuve, ni l’orphelin. 23. Si tu les affliges, et qu’ils viennent à moi, j’entendrai leurs cris ; 24. Ma colère s’enflammera, et je vous détruirai par l’épée ; vos femmes deviendront veuves, et vos enfants orphelins. 25. Si tu prêtes de l’argent à mon peuple, au pauvre qui est avec toi, tu ne seras point à son égard comme un créancier, tu n’exigeras de lui point d’intérêt. 26. Si tu prends en gage le vêtement de ton prochain, tu le lui rendras avant le coucher du soleil ».

Seconde lecture : 1 Thessaloniciens 1.5-10

« 5. Notre Evangile ne vous a pas été prêché en paroles seulement, mais avec puissance, avec l’Esprit-Saint, et avec une pleine persuasion ; car vous n’ignorez pas que nous nous sommes montrés ainsi parmi vous, à cause de vous. 6. Et vous-mêmes, vous avez été mes imitateurs et ceux du Seigneur, en recevant la parole au milieu de beaucoup d’afflictions, avec la joie du Saint-Esprit, 7. En sorte que vous êtes devenus un modèle pour tous les croyants de la Macédoine et de l’Achaïe. 8. Non seulement, en effet, la parole du Seigneur a retenti de chez vous dans la Macédoine et dans l’Achaïe, mais encore votre foi en Dieu s’est fait connaître en tout lieu, de telle manière que nous n’avons pas besoin d’en parler. 9. Car on raconte, à notre sujet, quel accès nous avons eu auprès de vous, et comment vous vous êtes convertis à Dieu, en abandonnant les idoles pour servir le Dieu vivant et vrai, 10. Et pour attendre des cieux son Fils, qu’il a ressuscité des morts, Jésus, qui nous délivre de la colère à venir ».

Troisième lecture : Matthieu 22.34-40

« Les pharisiens, ayant appris qu’il avait réduit au silence les sadducéens, se rassemblèrent, 35. et l’un d’eux, docteur de la loi, lui posa cette question pour l’éprouver : 36. Maître, quel est le plus grand commandement de la loi ? 37. Jésus lui répondit : Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, et de toute ta pensée. 38. C’est le premier et le plus grand commandement. 39. Et voici le second, qui lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. 40. De ces deux commandements dépendent toute la loi et les prophètes ».

Prière après la lecture de la Parole

O Seigneur, Ta Parole est une lampe pour mes pas, une lumière pour mon sentier. (Ps. 119, 105).

Introduction

Frères et sœurs,

Même si la liberté du prédicateur est grande dans le choix des textes, il m’était difficile de me dérober à l’exigence de ce passage central de l’Evangile de Matthieu.

Pourtant, la tentation de le faire aurait pu être grande :

Nous sommes d’abord tellement accoutumés à entendre ce texte – n’est-il pas rappelé dans la liturgie de tous nos cultes ?- qu’en définitive le risque est de ne plus vraiment l’écouter, de ne plus vouloir le méditer, de ne plus désirer en comprendre la portée. Voici, un peu prosaïquement, un passage de l’Evangile qui « fait partie des meubles » ; on le dit, on le redit ; mais l’écoute t’on ?

Un deuxième écueil serait peut-être celui de vouloir aborder ce texte en y voyant un exemple de plus d’une « incessante querelle entre l’homme de Galilée et ceux – ici les pharisiens- qui ne seraient présentés que comme les vils promoteurs d’une méchante stratégie visant à le faire tomber »[1].

Avec un peu plus de 2000 ans de recul, et en considérant toutes les crispations religieuses de notre temps, je n’ai vraiment pas eu l’envie de m’inscrire dans cette logique d’opposition, les pharisiens d’un côté, Christ de l’autre, pour au moins quatre raisons, que je vous livre, dans un ordre tout à fait subjectif :

Tout d’abord parce que, lorsque Jésus s’oppose vivement à ses contradicteurs, il sait largement le faire par lui-même ! voyez un peu plus loin en Matthieu 23, v. 23-24 : « Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites ! parce que vous payez la dîme de la menthe, de l’aneth et du cumin, et que vous laissez ce qui est le plus important dans la loi, la justice, la miséricorde et la fidélité : c’est là ce qu’il fallait pratiquer, sans négliger les autres choses. 24. Conducteurs aveugles ! qui éliminez le moucheron, et qui avalez le chameau. »
Ensuite, parce que, comme a pu le dire le pasteur Clavairoly, rien n’interdit de voir dans cet échange un « dialogue théologique entre juifs pieux et fidèles qui essaient d’entrer en relation avec leur interlocuteur dans un processus intellectuel et exigeant d’interprétation commune des textes de la Loi de Moïse ».

En troisième point, ceux qui me connaissent savent que, dans ma vie professionnelle, je suis un « légiste», un juriste… Et qu’il est quand même un peu difficile de dissocier celui que je suis dans la semaine, et celui qui se présente devant vous, certains dimanches où la responsabilité du culte lui est confiée ; la loi, j’en sais bien toute la limite, j’en sais bien parfois toute la contingence ; mais, dans un Etat de droit, je ne saurais m’en abstraire. Et je n’encouragerais certainement personne dans cette voie…

Enfin, parce que si je mesure pleinement tout l’enjeu du débat Loi/Foi, je garde aussi pleinement au cœur et à l’esprit cette autre Parole de Christ, un peu plus avant dans ce même Evangile de Matthieu, au chapitre 5, verset 17 : « Ne croyez pas que je sois venu pour abolir la loi ou les prophètes, mais pour accomplir ».

En réalité, en apportant cette réponse aux pharisiens, Jésus – pardonnez-moi cette expression  – « n’invente » rien :

Le premier commandement est un résumé de la première table de la Loi et le « Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, et de toute ta pensée » est le Shema Israël du Deutéronome, chapitre 6 verset 4 « Ecoute, Israël ! L’Eternel, notre Dieu, est le seul Eternel 5. Tu aimeras l’Eternel, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force ».

Quant au second commandement, il résume la seconde table et c’est dans des termes fort proches qu’il est rapporté dans le livre du Lévitique, chapitre 19 verset 18 : « Tu ne te vengeras point, et tu ne garderas point de rancune contre les enfants de ton peuple. Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Je suis l’Eternel ».

En revanche, s’il « n’invente pas », Christ, tout à la fois : 1. Ne rejette pas l’héritage antérieur ; 2. Rappelle et refonde, avec une primauté en Dieu seul ; 3. Met sur un pied d’égalité le second commandement et le premier. 4. Et fondamentalement, amène à regarder autrement, et ici fait œuvre novatrice, en donnant une égale importance aux deux commandements, sur le fondement d’une seule et même attitude, une seule et même exigence :   C’est le « Tu aimeras ».

Ainsi, par ce seul commandement, par cette seule loi de l’amour, Christ n’oppose rien, ne rejette rien, ne hiérarchise rein ; mais il repose les bases, il trouve, non pas « le plus petit dénominateur commun » mais bien, pour rester dans ce langage mathématique, le « plus grand dénominateur commun », qui est ce « Tu aimeras », point pivot, central.

Ainsi, si chaque homme, chaque femme, que ce soit il y a 2000 ans ou maintenant, est considéré comme étant très exactement, dans une attitude de Foi, à l’axe des deux commandements fondamentaux, il est –  c’est-à-dire nous sommes, en tant qu’apôtres – à la jonction même de la relation à Dieu et de la relation à son prochain, par l’amour, et en définitive, par l’amour seul.

Partant de là, enracinés en cette loi d’amour, chacun d’entre nous, quel qu’il soit, et tout à la fois avec les forces et les faiblesses qu’il voit en lui, peut également se tenir devant Dieu et devant son prochain, dans la confiance, dans le don, et dans la ferme conscience tout à la fois et indissociablement :

– de l’antécédence de l’amour de Dieu – donné le premier

– et une fois pour toutes et de l’inaltérable altérité de l’Autre.

Frères et sœurs, dimanche prochain 30 octobre sera, pour nos églises protestantes, celui de la Réformation. Nous nous rappellerons toute l’angoisse du moine Luther, en butte à l’exigence de la Loi et cherchant comment cette exigence du seul respect de la Loi pouvait, à elle seule, rendre l’homme juste devant Dieu ; si nous nous en tenons au respect de la Loi, alors probablement, nous nous perdons :

« Du Dieu juge, condamnant sans rémission ni pitié, Luther en est arrivé au Dieu père de Jésus-Christ, communiquant à ceux qui se repentent et qui croient la parfaite justice de Celui qui, de son baptême à la croix, a accompli toute justice.

Plus n’est besoin d’escalader le ciel pour y conquérir un verdict de grâce arraché au bon plaisir de l’arbitraire absolu : Dieu est amour, offert en Jésus-Christ à tout homme, « il ne réclame rien pour lui-même, mais ne fait que donner et se donner », il n’est que de consacrer sa vie à répondre à cet amour. Il ne s’agit pas d’entreprendre et de poursuivre vers la sainteté une impossible ascension, mais de recevoir la bonne nouvelle de la justification des pécheurs, par grâce, par le moyen de la foi »[2].

C’est cela, la Bonne nouvelle, la nouvelle libératrice.

C’est elle que Paul a eu la grâce de vivre et de transmettre et c’est ce commandement d’amour qu’il rappelle et que lui aussi synthétise en Romains 13, versets 8 et 13 :

« 8. Ne devez rien à personne, si ce n’est de vous aimer les uns les autres ; car celui qui aime les autres à accompli la loi. […] 13. L’amour ne fait point de mal au prochain : l’amour est donc l’accomplissement de la loi ».

Qu’il nous soit donné, chaque jour, de le savoir, de le vivre et de le proclamer, pour la gloire de Dieu.

Laurent Condamy

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[1] François Clavairoly. Prédication du dimanche 23 octobre 2005 « Matthieu 22 v 34-40, le plus grand commandement … la liberté d’aimer ».
[2] Larousse 2011 Martin Luther.