Lectures : Ecclésiaste 5.3-6, Matthieu 5.33-37 et 22.34-40, 1 Corinthiens 15.33, Psaumes 139.23
I. Que ton oui soit oui
Vous êtes nés dans des foyers chrétiens et vos parents ont voulu vous donner une instruction biblique et chrétienne. Vous n’avez pas choisi votre milieu, mais vous constaterez vous-même plus tard que toute éducation est bonne à prendre. Le catéchisme est une formation et une éducation à la lecture de la Bible et à la réflexion.
Evidemment si vous trouvez la foi, ou si vous l’approfondissez, au cours des sessions catéchétiques, nous en sommes très heureux. Mais nous respectons votre bel âge et, considérant que vous êtes en cheminement spirituel, nous ne vous demandons pas de prendre un engagement que vous ne seriez peut-être pas en mesure de tenir.
Cela dit, comprenons-nous bien : le fait que nous ne vous demandons pas de vous engager aujourd’hui ne signifie nullement que nous n’accordons pas, dans notre Eglise, une grande importance à l’engagement spirituel. En fait c’est tout le contraire. C’est parce que nous considérons l’engagement spirituel avec le plus grand sérieux que nous vous demandons de donner votre parole à Dieu uniquement le jour où vous serez vraiment résolus de le faire en confiance avec lui.
Nous l’avons lu sous la plume de l’Ecclésiaste chapitre 5, la Bible est la première à nous demander de bien réfléchir à nos vœux et à ne pas nous engager si nous ne sommes pas en mesure de tenir parole. « Que votre parole soit oui, oui, non, non », dit Jésus. C’est donc pour vous protéger d’un engagement non suffisamment réfléchi que nous vous demandons de ne pas faire une promesse mitigée, par convention familiale ou sociale, mais simplement de faire un pas vers Dieu dans l’attente qu’il fasse, lui, un pas vers vous.
Il ne s’agit en rien de ne jamais prendre d’engagement, mais d’apprendre à réfléchir à ses engagements afin de les tenir. Le manque de fiabilité aux paroles données mine les relations sociales et la confiance se fait rare, fragile même, tant on nous fait faux bond à tout bout de champ. Or comment tenir parole avec Dieu qu’on ne voit pas, si on ne tient pas parole avec le prochain que nous voyons ? La parole de Jésus nous invite à commencer par être fiable et fidèle à notre parole avec le prochain, alors nous pourrons aussi être fiable et fidèle vis-à-vis de Dieu.
II. Foi et raison
Cette sincérité, ce sérieux que requiert l’engagement avec Dieu, vous le comprenez fort bien. Aussi ne suis-je pas étonné que vous soyez de plus en plus nombreux chaque année à être soulagés de pouvoir dire qu’il vous faut encore un peu de temps et de maturité avant de vous sentir vraiment prêts à vous engager avec Dieu. En revanche ce qui m’étonne ces dernières années, c’est que vous êtes de plus en plus nombreux à être perméables à ce pseudo rationalisme qui circule dans la société et qui fait le lit d’un athéisme simplet sur le plan philosophique.
Cela m’étonne d’autant plus que je prends le temps tout au long de ces trois années pour déconstruire les représentations moyenâgeuses de Dieu qu’attaque l’athéisme simplet dont je vous parle. Et surtout, que je vous donne les clefs pour interpréter les textes, non de façon littérale, mais selon les savoirs des sciences littéraires et historiques qui balaient les arguments spécieux du rationalisme ambiant et montrent que la question de Dieu reste tout à fait d’actualité pour chacun et chacune.
Entendons-nous bien, ce n’est pas la question du doute qui est en jeu. Le doute n’est ni un péché, ni le contraire de la foi. Il est un sentiment ou un trouble que l’on éprouve lorsque notre intelligence bute sur un fait qui semble contredire nos idées ou des croyances que l’on a reçues et non suffisamment éprouvées.
Le doute se situe sur le plan intellectuel de l’interprétation des choses et des connaissances. Il est très utile, car il nous pousse à réviser nos croyances et nos conceptions des choses en vue d’une foi qui « tienne la route » et « résiste » à l’incohérence. Le doute stimule la foi pour qu’elle devienne intelligente. Si la foi ne devient pas intelligente, le doute triomphe. Cela ne veut pas dire que les arguments du doute sont nécessairement justes, mais plus souvent que nous n’avons ( mot supprimé) pas réussi à trouver des réponses aux questions que nous posait le doute
III. Foi, doute et réfutation
Le binôme foi et doute fonctionne de la même manière que dans toutes les sphères de la connaissance. Le chercheur en sciences de la nature ou en sciences humaines pose des hypothèses qui deviennent des pistes de recherches.
Le travail scientifique consiste à essayer de réfuter les hypothèses posées afin de vérifier leur solidité et leur admissibilité. La science n’est pas un savoir définitif, mais un travail de réfutation et de repositionnement permanent. Karl Popper, le grand philosophe des sciences, disait que la « démonstration » ne suffit pas pour établir la connaissance scientifique, c’est davantage par la « réfutation » (falsification) que les sciences progressent.
Les hypothèses réfutées ne peuvent prétendre au statut scientifique et il en va de même pour les systèmes de pensée qui sont théoriquement irréfutables – comme les idéologies ou les croyances invérifiables. Dès lors, seules les hypothèses qui ne sont pas encore réfutées, mais qui peuvent théoriquement l’être, sont admissibles au statut de scientificité.
La foi et le doute fonctionnent sur le même principe.
Le réglage fin et précis de l’univers qui évolue du chaos vers l’ordre, l’intelligence qui ruisselle partout dans le microcosme et le macrocosme, le nombre incalculable de fois que l’univers aurait dû gagner « coup sur coup » à la loterie du « hasard » pour que la vie et la conscience apparaissent, la beauté et le sens des choses, la pensée et la spiritualité humaines, les arts, la culture, … tout cela pose l’hypothèse – très sérieuse – d’une origine intelligente pour l’univers.
Mais pour tenir la route, l’hypothèse de Dieu doit éprouver et réfuter :
1) les représentations archaïques ou farfelues de Dieu,
2) les interprétations littérales des récits bibliques qui entrainent ou maintiennent les croyants dans la pensée magique,
3) le scientisme ou le concordisme qui transforment les connaissances savantes actuelles en « vaches sacrées » alors que tout est interprétation de données, y compris en science de la nature.
Le rationalisme « à quatre sous » est né au XVIIIème dans le sillage de la philosophie que l’on appelle « l’empirisme ». Il part du principe que seules les connaissances démontrées par l’expérience sont rationnelles. Ce qui échappe à l’expérience et à la Raison serait en dehors du réel. La connaissance humaine devient donc, dans ce système, la mesure et la norme de ce qui existe.
Cet a priori est évidemment trop étriqué pour rendre compte du réel. Avec l’avènement de la physique quantique – qui nous a révélé la complexité du réel et sa résistance à notre emprise – ainsi que les progrès de la pensée, c’est désormais au « musée des idéologies » que l’empirisme et son pseudo-rationalisme se rangent.
Il y a de la raison et de l’irrationnel en tout, en physique comme en métaphysique, en sciences de la nature, comme dans les sciences de l’esprit. Être « rationnel » aujourd’hui ce n’est pas rejeter ce qui est au-delà de notre raison ou de nos connaissances, mais réfléchir à la méthode qui permettra d’aborder, de réfléchir, d’analyser, les objets sensibles ou abstraits, afin d’en rendre compte intelligemment.
Ne prenez pas pour argent comptant les discours qui retardent de deux siècles. Tout est interprétation.
En conclusion
Les idées qui surgissent dans l’histoire et l’évolution des civilisations ont des « aventures ». Certaines d’entre elles sont de véritables logiciels de pensée qui ont de l’efficacité et façonnent les civilisations ou les époques. L’idée des « droits de l’homme » a commencé humblement dans l’esprit de quelques philosophes, mais elles a peu à peu transformé les sociétés occidentales et elle changera peut-être un jour le monde entier.
Les idées élèvent ou abaissent les humains. Elles construisent ou elles ravagent le monde. Elles font progresser la connaissance et la Raison ou bien elles les obstruent. Elles donnent accès à Dieu ou paralysent la foi. Elles ouvrent la voie à l’espérance ou la referment.
Les idées entrent et tournent dans le monde et dans nos têtes comme ces balles de plastique que je brasse dans ce bocal. Plus l’horloge de l’Histoire avance, plus elles sont nombreuses et plus elles se contredisent. Souvent on ne sait plus lesquelles sont bonnes et lesquelles sont farfelues ou infondées.
Le doute vient aussi du manque de critères pour évaluer les idées reçues. Le catéchisme sert à mettre de l’ordre et à éprouver un peu les aventures d’idées qui se bousculent parfois dans nos têtes.
« Ne vous y trompez pas, dit l’apôtre Paul, les mauvaises compagnies corrompent les bonnes mœurs. » C’est une exhortation à ce que nous veillions à nos fréquentations sociales mais aussi idéologiques.
Que la Prière du Psalmiste : « Sonde-moi, ô Dieu, et connais mon cœur. Éprouve-moi, et connais mes pensées » stimule notre volonté de faire le tri dans nos idées en vue d’une foi intelligente et ouverte au mystère du monde.