Martin Luther, père de la Réforme

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Exemple

Martin Luther, père de la Réforme

Martin Luther à la Diète de Worms

Les Eglises Protestantes célèbrent la Réformation (comme on dit dans les pays germaniques) le dimanche le plus proche du 31 octobre, pour nous y préparer voici un petit passage tiré de l’ouvrage de Charles Bost Histoire des protestants de France, La Cause, 9ème  Ed., 1992, p. 29-30).

 Le 17 avril 1521, à 4 heures du soir, Matin Luther dans sa robe de moine fut conduit au palais épiscopal de Worms, devant l’empereur Charles-Quint, les princes allemands, les évêques et les grands seigneurs. Lui montrant des livres posés sur un banc, Jean Eck, official (juge) de l’évêque de Worms, lui dit: « Martin Luther, l’Empereur et l’empire t’ont appelé ici pour que tu déclares si ces livres sont de toi, et si tu veux les rétracter ou t’y tenir ». Luther déclara d’une voix faible et tremblante qu’il avait écrit les livres. Pour le reste, comme il s’agissait du salut de l’âme et de la Parole de Dieu, il ne pouvait répondre sans un temps de réflexion. Il demandait donc un délai. On délibéra, et l’assemblée le renvoya au lendemain à la même heure.

 Le 18, la foule des assistants fut si épaisse qu’il fallut chercher dans le palais une salle plus vaste. Tandis que Luther attendait dans le vestibule, un capitaine lui frappa sur l’épaule: « Petit moine, petit moine, tu vas braver un danger tel que je n’en ai jamais connu de pareil dans les combats. Si tu as raison et si ta cause est juste, va au nom de Dieu, et aie confiance. Dieu ne t’abandonnera pas ».

Luther entra dans la salle comme il faisait déjà sombre, et à la lumière des flambeaux. Il était maintenant libéré de toute frayeur. Il s’excusa, d’abord, sur ce qu’ayant vécu dans un recoin de moines, son langage ne connaissait pas les usages des cours. Il distingua ensuite entre ses livres : les uns d’une piété que tous avaient louée ; les autres, sans doute trop rudes, écrits contre des personnes (mais il n’avait défendu que la doctrine de Jésus-Christ) ; les autres enfin contre la papauté et papistes qui par leurs doctrines et leur vie désolaient le monde, ruinant les corps et les âmes. « Mais je suis un homme, et non pas Dieu », ajouta-t-il. Il avait pu se tromper, et il conjura les assistants qu’on voulût bien le réfuter par les écrits des prophètes et des apôtres. « Dès que j’aurai été convaincu, je serai le premier à jeter mes livres au feu ».

Il avait parlé en latin. On lui demanda de répéter son discours en allemand. Il le fit, bien qu’il fût incommodé par la foule et la chaleur. Mais on ne voulait pas discuter. Jean Eck d’un ton accusateur, lui reprocha la hardiesse de ses propos. Il lui expliqua qu’il ne s’agissait pas d’erreurs inventées par Luther lui-même. Les erreurs de Luther étaient les doctrines des anciens hérétiques, des Vaudois, de Wiclef, de Jean Hus, doctrines condamnées par les conciles et les papes. Il fallait les rétracter sans discours.

Luther n’hésita plus : « Puisque donc votre majesté impériale me demande une réponse simple, je donnerai une réponse simple sans cornes ni dents. A moins que je ne sois convaincu par le témoignage de l’Ecriture ou par des raisons claires (car je ne crois ni aux papes, ni aux conciles, qui ont manifestement erré et se sont contredits), je reste convaincu par les Saintes Ecritures que j’ai citées, et ma conscience est liée par la Parole de Dieu. Je ne puis rien rétracter et ne veux rien rétracter, car agir contre sa conscience n’est pas sûr, et cela est dangereux ».

 Après quelques mots encore sur les erreurs des conciles, Luther fut reconduit à l’auberge où il logeait. Les Italiens et les Espagnols de la suite de l’empereur  le huaient. Mais un prince allemand lui envoya une coupe de bière pour qu’il se rafraîchît. Il avait coutume, le soir, de prier à haute voix dans sa chambre, les fenêtres ouvertes.

Un témoin nous a conservé les prières angoissées qu’il avait criées à Dieu entre les deux séances de la diète : « C’est ta cause, Seigneur ! Ta cause, juste, éternelle. ô Dieu ! O Dieu ! N’entends-tu pas ? Es-tu mort ? Non, tu ne peux mourir; tu te caches seulement … Ah Dieu ! Assiste-moi, au nom de ton cher Fils Jésus-Christ, qui doit être ma force, mon bouclier, ma solide forteresse par la vertu de ton Saint-Esprit. Je suis prêt à y laisser ma vie, comme un agneau ! Car cette cause est juste, et c’est la tienne, et je ne veux pas être séparé de Toi éternellement » (fin de la citation de l’ouvrage de Charles Bost).

Luther n’y laissa pas la vie, Mais la moitié de l’Europe embrassa la Réforme qui devint une des sources majeure de la modernité. En effet, il n’y aurait pas de modernité si la liberté de conscience revendiquée dès 1521 par la Réforme n’avait pas été reconnue peu à peu comme un droit essentiel de l’homme. Notons à ce sujet que c’est d’ailleurs à l’initiative d’un pasteur, le sieur Rabaut Saint-Etienne, député et Président de l’Assemblée Constituante, puis de la Convention, que la liberté de conscience a été inscrite dans la Déclaration des Droits de l’Homme. Que ce temps liturgique de la Réformation soit l’occasion de rappeler ce rôle important de la Réforme dans l’avènement de la modernité.

Bruno Gaudelet.