Les Psaumes de David. Violaine

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Exemple

Les Psaumes de David. Violaine

Ps 103, Ps 38, Ps 42 (extraits).

Introduction

Pourquoi une prédication sur les Psaumes ?

Parce que cela me rappelle de très bonnes vacances à la montagne !

Un ami pasteur organise chaque été une semaine de randonnées amicales dans le Briançonnais avec études bibliques à la veillée, les vacances « Bible en cimes ». Et le dernier thème, c’était les Psaumes : nous les étudions le soir dans le chalet et, spontanément, dans la journée, quand nous étions émus par la beauté des paysages grandioses dans lesquels nous étions, nous nous mettions à les chanter à tue tête en chemin quand ca ne montait pas trop et surtout dans les descentes. Et puis une fois hissés au sommet le plus sublime possible, nous faisions une pause bien méritée et nous les déclamions et les chantions, la Bible tirée des sacs. Quand le petit groupe ne se retrouvait pas seul, je peux vs dire que les gens étaient surpris mais finalement ravis de nous entendre et que ns avons eu des dialogues étonnants avec d’autres randonneurs ! Vous aurez compris qu’à ces moments mémorables, nous utilisions les psaumes de louange pour rendre grâce, avec les mots de David, de la beauté de la vie et de la bonté de Dieu pour nous. Comme des générations de juifs et de chrétiens avant nous, nous utilisions ces Psaumes comme des prières vivantes.
La tradition fait de David le poète et le musicien d’Israël. Elle lui attribue les 150 psaumes mais nous ne saurons jamais rien de leur authenticité littéraire. Ce qui importe, c’est d’écoute ce que l’Écriture dit au sujet du roi David, d’écouter le sens de la tradition, pour qui David est le modèle du pécheur repentant et même la figure du Messie. Sa vie peut se découper en deux périodes, une période ascendante qui va de son onction alors qu’il était encore berger jusqu’au sommet de la royauté. Pendant cette période, il est vainqueur du géant Goliath, il accède à la royauté sans porter la main sur le roi et il réussit à rassembler les douze tribus dans le pays qu’il dote d’une capitale, Jérusalem. Puis une seconde période est plus troublée, elle est marquée par sa chute dans l’adultère avec Bethsabée et l’assassinat de son mari, le comportement difficile de ses fils dont l’un est incestueux et l’autre fratricide et félon.
Selon les commentaires, le point de rupture entre ces deux tranches de vie, c’est lorsque Dieu s’oppose à la construction du temple. David en sortira meurtri et, selon la tradition, c’est à cette occasion qu’il a rédigé le Psaume 6 que je vous relis : Seigneur, je dépéris ; guéris-moi car mes os sont dans l’épouvante… Je me fatigue à force de gémir ; chaque nuit je baigne mon lit de mes pleurs, j’arrose mon lit de mes larmes. Aujourd’hui, on dirait qu’il fait une dépression et comment surmonte-t-il sa mélancolie? En rédigeant les Psaumes. C’est par la rédaction assidue de ces prières que David a surmonté sa mélancolie. Ces Psaumes-là sont la prière de combat d’un homme qui est en lutte avec ses démons.
Action de grâce, prière de combat, nous entrapercevons la diversité des fonctions des Psaumes. En m’appuyant sur une solide méditation du Pasteur Nouis, je voudrais souligner trois dimensions de cette prière.

1) La prière comme relecture

De nombreux psaumes proposent une relecture de l’histoire d’Israël ou de l’histoire du roi David. La mémoire permet de s’enraciner dans la fidélité de Dieu quand on a le sentiment qu’il est loin. La présence de Dieu ne dépend pas de ce que je ressens subjectivement.
Plusieurs Psaumes sont construits selon le schéma suivant : « Où es-tu Seigneur, je te cherche – Je me souviens des jours d’autrefois – Je rends grâce. » La mémoire pour dire Dieu même dans son absence. « Aujourd’hui, j’ai le sentiment que le ciel est vide et que Dieu ne répond pas à mon cri. Mais je me souviens de périodes de ma vie où le ciel était plein. Qui me dit que ces temps étaient moins vrais que ceux que je vis aujourd’hui ? Alors, je m’appuie sur cette mémoire et je continue à faire monter ma parole vers le ciel. »
Dans le livre de l’Exode, lorsque le peuple a sombré dans l’idolâtrie du veau d’or, Dieu dit : Je vois que ce peuple est un peuple à la nuque raide. Quand on a la nuque raide, on ne peut pas tourner la tête pour voir ce qu’il y a derrière soi. Un peuple à la nuque raide est un peuple qui ne regarde pas derrière, qui oublie son passé. Dieu avait pourtant multiplié les signes de sa présence : les dix plaies qui ont frappé l’Égypte pour infléchir le cœur de Pharaon, puis la mer coupée en deux, l’eau qui coulait du rocher, la manne qui a nourri le peuple tous les matins. Mais il suffit que Moïse monte sur le mont Sinaï pour recevoir la loi et qu’il se fasse un peu attendre, pour que les hommes disent : « Où est Dieu ? Faisons-nous un Dieu qu’on puisse voir. » Si le peuple avait eu la nuque un peu moins raide, s’il avait regardé derrière lui et relu son histoire, il se serait souvenu et peut-être ne serait-il pas tombé dans la première idolâtrie venue.
Et nous, comment ne pas avoir la nuque raide ? Lorsqu’on est menacé par le découragement, un bon exercice d’assouplissement de la nuque consisterait à rédiger son propre psaume. Prendre le temps d’écrire son histoire sur le mode de la confession de foi. Pour ma part, je pourrais commencer par dire : « Je suis née dans un beau pays riche et j’y vis confortablement sans connaître la guerre ou la misère. J’ai été profondément aimée par ma famille depuis ma naissance et le Seigneur m’a donné un mari aimant, trois beaux enfants et pleins d’amitiés profondes. J’ai beaucoup reçu de Lui et j’essaie de le servir en lui donnant un peu de mon temps, de mon énergie. » C’est bien sûr plus intéressant d’être plus précis et d’aller plus loin en évoquant d’autres bénédictions plus intimes. Le fait de se forcer à écrire permet de mettre en perspective ce que nous vivons et de mieux voir ce que nous avons tendance à oublier. La démarche remet en circuit des événements objectifs, des détails parlant qu’on avait enfouis dans l’oubli. Écrire son histoire et la transformer en prière est une belle façon que le pasteur Nouis suggère pour s’enraciner dans la présence de Dieu, même lorsque nous ressentons subjectivement qu’il est loin. C’est prendre conscience que son histoire est une histoire sainte, c’est-à-dire habitée par Dieu.
Comme David a lutté contre la mélancolie par la mémoire, nous sommes invités à en faire autant.
J’en viens à une 2ème dimension des Psaumes

2) La prière comme plainte

Parfois, quand notre l’histoire est semée d’épreuves, que la maladie nous atteint dans notre corps ou dans sa tête, que les injustices que nous subissons personnellement ou que nous constatons nous accablent, se rappeler que Dieu est bon ne suffit pas. C’est alors une plainte que nous pouvons faire monter vers Dieu.
Je vous lis le Psaume 22, 13 à 17. Une multitude de taureaux m’entoure, les bêtes du Bashân me cernent. Ils ouvrent contre moi leur bouche, comme un lion qui déchiquette et rugit. Je me répands comme de l’eau, et tous mes os se disloquent ; mon cœur est comme de la cire, il fond au milieu de mes entrailles. Ma force se dessèche comme l’argile, et ma langue s’attache à mon palais ; tu me réduis à la poussière de la mort. Car des chiens m’entourent, une troupe mauvaise m’encercle, ils me lacèrent les bras et les jambes. Vous voyez que David n’a pas craint de déposer le fardeau insupportable de son épreuve devant Dieu, pour la partager avec lui.
Cette prière nous apprend à nous exprimer même quand notre parole est rude, à ne pas cacher les taureaux et les chiens qui nous menacent. Une des fonctions de la prière est alors d’être un déversoir où nous pouvons exposer les épreuves, les offenses et les peurs qui nous menacent, le mal qui nous ronge. Nous le faisons en sachant qu’il est quelqu’un qui nous écoute… avec, en plus, une oreille foncièrement bienveillante.
Desmond Tutu, quand il présidait la commission « Vérité et Réconciliation » en Afrique du Sud, devait entendre des journées entières des témoignages difficiles à dire et à entendre. Et la nuit, il devait évacuer ses cauchemars. Il avait pris l’exemple de la différence entre un aspirateur et un lave-vaisselle. Les deux nettoient mais l’aspirateur retient toutes les saletés dans un sac ou dans une boule alors que le lave-vaisselle évacue les saletés de ce qu’il nettoie. La prière remplit la fonction d’un lave-vaisselle et nous permet de ne pas laisser fermenter en nous les angoisses et les agressions que nous subissons.
Les non-croyants pourraient dire : les psy sont là pour cela ! Mais tout le monde n’a pas le temps, la motivation, les moyens intellectuels ou financiers de se lancer dans une psychanalyse lacanienne et puis, il faudrait le trouver le bon psy à qui déverser notre mal-être.
Quant à se plaindre devant ses prochains, on a parfois scrupule à les charger de notre fardeau, alors qu’on est invité à le faire devant Dieu. On demandait un jour à Jean-Paul Sartre s’il n’était pas amer de se voir devenir aveugle et de ne plus pouvoir écrire. Il s’st contenté de répondre : « je me plaindrais bien, bien sûr… mais à qui donc se plaindre ? On ne fait pas de procès à la nature ni au devenir. » À la différence de Sartre, nous qui avons quelqu’un devant qui nous pouvons poser notre plainte, n’hésitons pas !
J’ajouterais qu’il est parfois compliqué d’expliquer à autrui ce qui ne va pas. Les mots sont en effet destinés à clarifier nos pensées ; nous le faisons en les triant et en les ordonnant ; pour se faire comprendre de l’autre, on tend à simplifier ce qui est complexe. Seul Dieu peut entendre des pensées complexes, ambigües, ambivalentes, tordues, sans que nous ayons à les exprimer par des paroles claires et une pensée construite…
La piété qui consiste à déposer devant Dieu, tous les jours, ses peines et ses bêtes intérieures, peut avoir des effets de guérison en extériorisant les démons qui nous menacent de l’intérieur.
Cette compréhension des Psaumes transforme notre lecture de la prière qui n’est plus une jolie poésie un peu à l’eau de rose pour dire à Dieu comme tout va bien mais qui est le cri de nos profondeurs. Une définition de la prière dit qu’elle est la parole de notre vérité la plus profonde dite devant Dieu. Si je suis honnête, je sais que lorsque je regarde au fond de moi, je ne trouve pas que des jolies choses. J’y découvre de la violence, de la rancune, les blessures profondes de mes déceptions, de l’incrédulité et beaucoup de manque d’amour. Les chiens et les taureaux ne sont pas absents de mes propres profondeurs. Qu’est-ce que je fais de ces monstres ? Plutôt que de les laisser me ronger, l’exemple de David m’invite à les dire, les écrire et les déposer devant Dieu.
Dans la Genèse, le mal fait son apparition très tôt avec le meurtre que commet Caïn furieux que Dieu lui préfère le sacrifice que lui fait Abel. Dieu lui dit « Pourquoi t’irrites-tu ? Et pourquoi ton visage est-il abattu ? Si tu agis bien, ne le relèveras-tu pas ? Si tu n’agis pas bien, le péché, tapi à ta porte, te désire. Mais toi, domine-le » (Genèse 4, 6 à 8). Je trouve très parlante l’image du mal comme une bête tapie à notre porte, prête à nous dévorer. L’idée d’être seuls, emmurés dans une pièce où l’air du dehors n’entre pas, une pièce où la porte ne sert qu’à laisser entrer la bête menaçante. La porte ne nous permet pas de sortir dehors et d’aller vers les autres et ne permet pas non plus aux autres de venir nous rejoindre dans notre détresse et notre solitude. Et pourtant, Dieu donne l’ordre à Caïn de dominer, dans cet espace clos, noir et qui sent le ranci où il se terre, la bête tapie à la porte ! Comment pourrait-il le faire, si ce n’est en confiant sa misère à Dieu, en reconnaissant que seul Dieu peut l’entendre, partager cette solitude et nous aider à dominer le péché.

3) La prière comme louange

La prière des Psaumes n’est pas faite que de plainte, elle est aussi louange.
Si David a fait monter vers Dieu la plainte de son cœur, il a aussi chanté des cris de victoire : Je t’aime, Éternel, ma force ! Éternel, mon roc, ma forteresse, mon libérateur ! Mon Dieu, mon rocher où je me réfugie ! Mon bouclier, ma force qui me sauve, ma haute retraite ! Je m’écrie : Loué soit l’Éternel ! Et je suis sauvé de mes ennemis (Psaume 18, 2 à 4).
De nombreux hommes ont prié ce Psaume et n’ont pas été sauvés de leurs ennemis. De nombreux chrétiens ont fait monter vers Dieu leur louange et ont été terrassés par l’épreuve et le désespoir. David lui-même n’a pas été épargné par la dépression. Est-ceà dire que sa prière était hypocrite ? Sûrement pas. La prière n’est pas une recette magique qui transforme la réalité d’un seul coup, c’est une attitude face à la vie et face à Dieu.
La louange est une protestation qui nous empêche de donner à notre prière la couleur de nos humeurs car il n’est pas bien difficile de trouver des sujets de plainte. C’est justement quand je suis dans la détresse que j’ai besoin de la louange. Elle me sort du bourbier dans lequel j’ai trop tendance à me complaire. Le Psaume de louange permet de me décentrer de moi-même, de détourner mon regard de la tristesse qui menace pour élever mon cœur vers la gratitude qui réjouit.
Diderot disait que l’homme n’a qu’un seul devoir, celui d’être heureux, ce qui sous-entend que le fait d’être heureux relève de notre responsabilité et non des événements extérieurs. Il suffit pour s’en convaincre de regarder autour de soi. Chacun connait des gens qui ont matériellement tout pour être heureux et qui ne le sont pas et inversement des gens qui restent heureux, le sourire aux lèvres, dans les plus grandes difficultés.
Dans les recommandations finales de la première épître aux Thessaloniciens, le livre le plus ancien du Nouveau Testament, l’apôtre Paul adresse à l’Église trois exhortations : Soyez toujours joyeux. Priez sans cesse. En toute circonstance, rendez grâces, car telle est à votre égard la volonté de Dieu en Christ Jésus ( I Thess 5, 16 à 18).

C’est un commandement ne dépend pas des circonstances. Jésus lui-même a rappelé à ses disciples ce commandement d’être joyeux à un moment crituque, juste avant son arrestation : Je vous ai parlé ainsi pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit complète (Jean 15, 11). Et l’apôtre Paul a dit aux Corinthiens : Je déborde de joie au milieu de toute notre détresse (2 Cor 7, 4).
De David à Jésus, en passant par Diderot et Paul, le commandement de la joie est le même. Les psaumes sont là pour nous permettre de vivre ce commandement et d’adopter cette posture envers et contre tout.
La deuxième partie de la vie de David a été traversée par des fautes et des épreuves. Et pourtant, il est resté debout et la tradition en a fait un grand roi. La lecture des Psaumes de David dans leur diversité et l’écriture de nos propres psaumes peuvent nous accompagner, nous aussi, dans les sommets et dans les bas-fonds de notre histoire.

Violaine D.