I. Biographie succincte
Malgré une mort précoce à 38 ans, Mendelssohn est l’auteur d’une œuvre très importante. Considéré – à tort – comme un compositeur moins inspiré qu’un Robert Schumann ou moins aventureux qu’un Franz Liszt, il connut cependant un grand succès de son vivant et occupe aujourd’hui une place centrale dans la musique allemande.
Issu d’une famille juive allemande, Mendelssohn grandit dans la tradition libérale de l’humanisme allemand et dans la religion protestante. Sa famille occupait une maison confortable à Berlin où se croisaient savants, philosophes, poètes et musiciens. Bien que leurs parents ne fussent pas musiciens, Félix Mendelssohn et sa sœur (Fanny) montrèrent très tôt des dons exceptionnels pour la musique. À 12 ans, Félix avait déjà acquis un solide métier de compositeur et de pianiste, et dès ses 16 ans il atteignait la pleine maturité avec l’ouverture du Songe d’une nuit d’été (d’après Shakespeare) d’où est tirée la célèbre « Marche nuptiale ». Notons que Gœthe admirait le jeune compositeur et lui rendait régulièrement visite dans la maison familiale.
Mendelssohn fut formé aux disciplines scientifiques et artistiques par des maîtres privés remarquables. Outre la musique – il pratiquait plusieurs instruments à cordes, ainsi que l’orgue et prenait des cours de chant – il avait aussi un réel talent pour le dessin. Il fréquenta également certains cours à l’Université de Berlin comme celui de Hegel sur l’esthétique.
II. Style et langage musical
Son langage peut être considéré comme l’archétype du romantisme allemand et de l’harmonie fonctionnelle. Il existe un tel équilibre dans son langage harmonique que l’on pourrait s’en servir comme exemple parfait pour apprendre l’harmonie.
L’un des traits marquants de sa musique est l’impression de calme ensoleillé et de bonheur intense (Mer calme et heureux voyage, opus 27) qui transparaît à l’écoute de certaines de ses œuvres (nous aurons un exemple de ceci pendant l’offrande avec le deuxième mouvement du Trio n°1).
Un autre trait marquant du génie de Mendelssohn est son don exceptionnel pour l’orchestration, dont il tire une science unique de la légèreté, et qui l’amène à écrire des « scherzi » (intermèdes rapides et légers) qui sont parmi ses toutes meilleures œuvres, tel le fameux scherzo du Songe d’une nuit d’été. Nous en entendrons un exemple avec le Rondo capriccioso joué à la fin des lectures.
Une autre point important chez Mendelssohn est sa conception toute classique de la forme et l’influence immense de Jean-Sébastien Bach, ce qui suscite chez lui l’intérêt pour l’orgue et la composition d’importantes sonates pour cet instrument. De fait, le compositeur a activement participé à la redécouverte de Bach au XIXe siècle, en organisant entre autres des concerts-Bach à Berlin ; c’est ainsi qu’il dirigea en 1829 la Passion selon Saint Matthieu en première audition publique depuis la mort du compositeur. Notons qu’à l’époque, jouer les œuvres des compositeurs du passé en concert n’était pas une pratique courante comme aujourd’hui.
III. Double héritage
Mendelssohn est le petit-fils de Moses Mendelssohn, grand philosophe juif du mouvement des Lumières (Aufklärung) et le fils du banquier et philanthrope Abraham Mendelssohn qui, s’étant converti au protestantisme, avait choisi d’ajouter à son nom celui de Bartholdy. Félix gardera toute sa vie les deux noms, avec une nette préférence pour celui de Mendelssohn, bien qu’il ait reçu le baptême. On ne sait pas quelles étaient ses croyances profondes, mais l’on peut raisonnablement dire qu’a co-existé chez lui le double héritage, germanique protestant d’un côté et juif oriental dont certaines de ses musiques ont conservé la trace (peut-être de manière inconsciente ?).
Il vécut longtemps avec l’espoir que la musique, si elle était bonne, permettrait aux hommes de devenir meilleurs. Sa conception de l’art est à rapprocher de son rapport complexe à la foi et à Dieu. De fait il est intéressant de noter le conflit intime se traduisant par une représentation d’un Dieu bienveillant dans sa jeunesse et plus tard d’un Dieu irrité « qui transperce les ennemis de son glaive » selon les mots du prophète Élie. C’est cette juxtaposition de deux images opposées de Dieu qui permet d’expliquer les emprunts successifs du compositeur pour la composition de ses œuvres à l’Ancien Testament (Élie, 1846) comme au Nouveau Testament (Paulus, 1836; Christus, 1847).
Ce double héritage transparaît dans la Sonate pour orgue qui vient d’être jouée. Cette œuvre, qui fait entendre une double fugue parfaitement construite et charpentée (notons au passage que ce don pour la forme classique est plutôt rare chez les Romantiques, qui en général soit y montrent peu d’intérêt, soit la font évoluer (cf. Liszt et la sonate en si par exemple), combine à la fois un motif mélodique a cappella de type choral protestant et plus loin dans la partition, des intervalles typiquement orientaux énoncés par le thème de la fugue. Ajoutons que ce motif mélodique est apparenté à celui de la symphonie no 5 du compositeur dite « Réformation », elle aussi nourrie d’emprunts à la liturgie protestante.
Par ce procédé, Mendelssohn rend hommage à Jean-Sébastien Bach et l’influence du Cantor de Leipzig va encore plus loin puisque dans la fugue, le cantus firmus (c’est-à-dire la mélodie préexistante servant de base à la polyphonie) joué à la pédale et marqué « Choral », est en réalité une citation d’une œuvre de Bach, la Canzona pour orgue, dans laquelle Bach citait lui-même un thème des Fiori musicali de Frescobaldi (œuvre majeure du début du XVIIe siècle destinée à accompagner les offices). Par ailleurs, Mendelssohn insère dans la fugue – peut-être de manière inconsciente – le motif B.A.C.H. qui correspond en notation germanique aux notes si bémol – la – do – si bécarre, motif omniprésent depuis Bach et que ce dernier utilisait comme une signature.
Excursus :
Compte-rendu culte-concert
Malgré le contexte sanitaire difficile, les paroissiens étaient au rendez-vous dimanche 17 janvier, dimanche « spécial » à l’occasion d’un culte-concert organisé autour du compositeur Félix Mendelssohn. Ce grand musicien reste en partie mal connu du public. L’intérêt était donc de faire entendre certaines de ses œuvres emblématiques sous l’angle de son double héritage, à la fois juif et protestant.
La belle cohérence qui se dégageait de la réunion entre le sermon sur la fidélité après la « surprise » de la « Marche nuptiale » seyant parfaitement à la thématique du jour, la présentation du musicien et le choix des œuvres, a participé à la réussite de l’événement. Ainsi le mouvement du Trio n°1, joué pendant l’offrande, permettait d’entendre en un dialogue amoureux entre le violon et le violoncelle une romance qui faisait écho au thème de la prédication.
Deux des mouvements de ce premier trio furent interprétés par Simon Adda-Reyss et deux jeunes musiciennes belges, Alma et Thaïs Defoort. Venues tout exprès de Bruxelles pour l’occasion, l’aînée, qui est violoniste, termine son cursus au Conservatoire Royal de Bruxelles tandis que la cadette poursuit des études de musique à l’École Spéciale de Waterloo réputée pour encadrer les jeunes artistes surdoués dans la préparation du « Concours Reine Élisabeth ».
L’alliage peu habituel de l’orgue, du piano, du violon et du violoncelle a offert une belle diversité musicale qui a été particulièrement appréciée. Après Bach et Mozart, ce culte-concert, union du spirituel et du culturel, manière inhabituelle de lier prédication et musique nous fait espérer d’autres occasions semblables.