Les églises réformées françaises (et les pasteurs) formulent au sujet de l’accueil des jeunes à la Cène des avis divergents.
Confrontés communément aux usages de l’église catholique, la population protestante se définit assez souvent encore par comparaison ou analogie avec l’église sœur toujours dominante en France ; un peu, finalement, à l’exemple des médias qui utilisent le terme « messe » à la place du mot « culte » et qui font du « pasteur » un clerc équivalent au « curé », alors même que la Réforme a aboli la prêtrise et remis à l’honneur le sacerdoce universel des chrétiens.
C’est aussi sur ce mode de la comparaison que l’accueil des catéchumènes à la Cène n’a pu se défaire au cours des siècles du titre de « confirmation ».
Il est vrai que confirmation catholique ou accueil protestant à la Cène constituent sociologiquement des « actes de passage » destinés à intégrer les jeunes dans la communauté.
« Actes de passage » ne signifie toutefois pas équivalence de sens. La bar mitzvah et la bat mitzvah sont l’acte de passage pour les jeunes au sein des communautés juives, mais leur sens théologique n’est pas comparable à la confirmation catholique ou à l’accueil protestant à la Cène.
Plutôt, donc, que de faire de la confirmation catholique ou de l’accueil protestant à la Cène uniquement des équivalents sociologiques, il importe de discerner ce qui distingue les deux types « d’actes de passage ».
Pour y voir plus clair, un petit survol de la théologie réformée des sacrements s’impose (voir ce texte sur notre site : https://www.erf-neuilly.com/la-cene-et-le-bapteme-signes-visibles-de-la-grace-invisible/).
Le terme « confirmation » est-il acceptable pour l’accueil des primo communiants ?
La confirmation est pour l’église romaine un sacrement dont l’origine remonte au troisième siècle après J-C ; ce qui n’est pas l’usage des Eglises de la Réforme qui rejettent l’idée même de « confirmation du baptême ».
Le sacrement de la confirmation inclut pour nos frères et soeurs catholiques la profession de foi du jeune, puis l’onction par l’évêque (ou son délégué) du chrême symbolisant le don du Saint-Esprit.
Selon le catéchisme de l’église catholique, il s’agit d’un sacrement indispensable pour compléter l’efficacité du baptême : « Il faut donc expliquer aux fidèles que la réception de ce sacrement est nécessaire à l’accomplissement de la grâce baptismale (art. 1285).
En terrain réformé, cette doctrine ne s’accorde pas avec la Bible. Non seulement, aucun autre sacrement que le Baptême et la Cène n’a été institué au fondement de l’église, mais le Baptême n’a surtout nullement besoin d’être confirmé.
Il est le signe visible par lequel Dieu nous marque de son sceau.
Il indique, non la foi ou l’engagement du croyant, mais la grâce et la bénédiction de Dieu qui nous précède.
Il est ineffaçable et inaltérable.
Le baptême symbolise une appartenance et une grâce plénière qui n’a besoin, ni d’être complétée, ni parachevée.
Continuer à appeler le premier accueil des jeunes à la Cène « confirmation » maintien donc une double ambiguïté.
1) Premièrement le terme laisse entendre que le baptême a besoin d’être confirmé, ce qui est théologiquement inacceptable.
2) Deuxièmement, c’est la cérémonie d’accueil à la Cène des primo communiants, et non plus la Cène, qui devient central ; ce qui n’est pas non plus acceptable, car on donne alors à la cérémonie de «confirmation», ce qui appartient à la symbolique de la Cène.
En effet, c’est la Cène qui symbolise en bonne théologie réformée l’appropriation du Christ-Jésus et qui constitue par conséquent la «réponse» à la grâce de Dieu représentée par le baptême.
Il ne s’agit pas de dire que la Cène confirme le baptême, car, ne craignons pas de le redire, le baptême n’a besoin d’aucune confirmation, mais il s’agit plutôt de reconnaître comme Calvin que le Baptême et la Cène «confirment» la Parole qui annonce et promet la grâce.
Le croyant n’est ainsi jamais un « confirmant » à la forme active (avec un « t »), mais il est « confirmé » (forme passive) dans la grâce divine par la Parole et les sacrements.
Tout comme la Cène, le Baptême « confirme » le croyant dans l’alliance de grâce et c’est en prenant la Cène que le chrétien répond à l’appel de Dieu et renouvelle sans cesse son engagement au sein de cette alliance qui l’unit à son Père Céleste.
Conclusion
Le baptême renvoie à l’alliance que Dieu conclut avec nous gratuitement en Jésus-Christ.
Il n’est pas le signe de notre foi, mais le signe que Dieu nous a aimés le premier.
L’eau (symbole de purification, mais aussi de renouvellement et de vie) représente la régénération permanente de notre être que Dieu opère gratuitement par sa Parole et son Esprit.
Le baptême est ainsi le signe de l’alliance éternelle par laquelle Dieu s’engage à conserver pour toujours sa bienveillance et sa fidélité et où le croyant est confirmé dans la grâce (bienveillance) divine.
La Cène (terme latin pour désigner le repas du soir) est le symbole qui renvoie à la Passion du Christ (la fraction du pain représente son corps brisé et le vin son sang versé), mais aussi, via la symbolique de la Pâque juive, au nouvel exode que Jésus inaugure vers une nouvelle Terre promise : le Royaume de Dieu.
En choisissant un symbole qui se mange, plutôt qu’un bijou (comme une croix), ou un tatouage, Jésus a voulu donner à ses disciples un symbole d’appropriation personnelle.
C’est, ainsi, par la Cène (que Calvin conseille de célébrer tous les dimanches) que le croyant manifeste sa foi et son engagement à la suite de Jésus, mais non par une profession de foi ou par une onction quelconque.
Il est légitime d’accueillir solennellement les catéchumènes lorsqu’ils se présentent pour la première fois à la Cène, mais il est toutefois souhaitable de ne pas employer ce terme de « confirmation » car il induit une autre théologie que celles de nos églises et maintient les esprits dans la confusion.
Le terme « communion », qui se retrouve dans toutes les églises chrétiennes, lui est préférable, car il renvoie au sens ultime de la Cène (qui est une communion avec Dieu et avec les membres de l’église corps de Christ, dont Jésus est la tête), sans pour autant inclure la fâcheuse diminution de l’efficacité plénière et accomplie du baptême qu’implique le terme « confirmation ».
Pasteur Bruno Gaudelet