1 Corinthiens 12.12-30
1) Environnement
Faisons ensemble un voyage dans le temps de près de 2000 années en arrière et dans l’espace de plus de 2000 kilomètres vers la lumière du soleil levant et la chaleur du sud.
En ce monde où le virtuel peut remplacer le réel, vous allez me dire qu’il suffit d’ouvrir n’importe quelle console informatique pour s’y croire. Mais allons-y plus rationnellement : nous pouvons vaincre la dimension espace en y allant rapidement en avion, ou plutôt et plus paisiblement comme l’aurait fait l’apôtre Paul, en bateau. Nous voici à Corinthe où maintenant il y a un canal, double symbole de lien entre deux parties de mer, et de séparation entre deux parties de terre ; ce pourrait être un support à la discussion sur le thème de l’unité, brisée localement pour la constituer mondialement, mais le canal n’est pas encore là. Nous revêtons notre tunique et nous promenons dans cette cité prospère avec une vie culturelle intense, et des mouvements philosophiques ou religieux actifs. Mais on dit que l’immoralité y est grande et la jeune communauté chrétienne se trouve soumise à toutes sortes d’influences et l’on comprend qu’elle donne de sérieux soucis à l’apôtre.
Au cours de notre promenade, nous rencontrons des hommes assez fiers de leurs savoirs et même peut-être un peu superbes ; nous découvrons aussi plusieurs sensibilités entre ceux qui se réclament de Céphas, d’Apollos ou de Paul, et remarquons que de nombreuses dissensions apparaissent entre eux.Nous ne rencontrons pas directement Paul, mais certains nous montrent une lettre qu’ils viennent de recevoir, où il s’adresse à l’ensemble des baptisés de la communauté, juifs ou non juifs, esclaves ou hommes libres, en les comparant chacun à une partie d’un corps unique, assimilable au corps du Christ.On se sent toujours concerné par le message de Paul, et cette image d’unicité nous convient parfaitement en cette période de prise de conscience d’un besoin de meilleure unité des chrétiens. Alors, à Neuilly-sur-Seine, en 2012, nous avons certainement à apprendre de ce texte qui date de près de 2000 ans, même si nous n’avons pas les mêmes défauts que les Corinthiens, et encore …
Je ferai ma prédication en trois parties :
· D’abord quelques réflexions sur la notion de « corps ».
· Puis le message de Paul : « un seul corps avec plusieurs parties ».
· Enfin, que cela représente-t-il pour nous ?
2) La notion de corps
Cette notion de corps n’est pas évidente. Par exemple, dans le dictionnaire « Le petit Robert » il y a quatre sens principaux.
1. La partie matérielle des êtres animés (exemple : corps humain).
2. La partie principale d’une chose (exemple : corps de bâtiment).
3. Un objet matériel (exemples : corps céleste).
4. Groupe formant un ensemble organisé sur le plan des institutions (exemple : corps électoral).
Parlons du corps humain : il a la possibilité de donner la vie, pour perpétuer l’espèce, et il peut aussi être réparé grâce à la science médicale, qui peut aller jusqu’à conserver la vie d’un corps en perdition, grâce au prélèvement d’un organe sur un autre corps sans vie. Ce corps humain forme un ensemble merveilleux, qui, sous l’autorité de l’âme, nous permet de nous comporter en enfants de Dieu, notre créateur, sur terre ; c’est du moins ce qui est un objectif des chrétiens.
Dans le texte de Paul, nous sommes assez proches de ces définitions : il y a l’aspect corps physique des êtres animés, mais il y a aussi l’aspect ensemble organisé, ou élément principal d’un objet, ou élément unique faisant partie d’une certaine classification.
Paul adresse sa lettre à la communauté de Corinthe en tant qu’institution, mais aussi à chacun des individus de cette communauté qui doit assimiler le message pour lui-même au sein de sa communauté.
3) Le message de Paul
Nous allons maintenant réfléchir sur le message de Paul.Mais avant tout, je voudrais vous situer rapidement ce texte : il s’insère entre deux autres textes que nous n’avons pas le temps d’étudier ici et que je rappelle très brièvement.Juste avant, Paul parle des dons variés de l’Esprit et dit : « l’Esprit accorde à chacun un don différent, comme Il le veut » ; ces dons vont du don de la guérison des malades, à celui de parler selon la sagesse ou selon la connaissance (ce sont deux dons différents), en passant par celui de pouvoir distinguer les faux esprits du véritable Esprit. Un individu ne peut pas de lui-même se déclarer maître ou supérieur dans tel ou tel domaine ; le seul don qu’il est légitime d’exercer est celui qu’il a reçu de l’Esprit.Juste après notre texte, Paul dit que finalement le chemin qui est supérieur à tout ce que l’on peut faire pour exercer ses dons, c’est « l’Amour » : « Qui aime ne fait rien de honteux, n’est pas égoïste, ne s’irrite pas et n’éprouve pas de rancune » dit-il. Ce n’est pas le sujet de la prédication, mais ne pensez-vous pas que ces critères sont sévères et difficiles à respecter, surtout dans notre monde ou tant de dissensions existent ? « L’amour fraternel est la voie supérieure à toutes les autres », conclut-il.Dans le texte d’aujourd’hui, Paul dit que « le Christ est semblable à un corps qui se compose de plusieurs parties », et il parle d’un certain nombre de parties visibles du corps, des oreilles jusqu’aux pieds, chacune jouant un rôle particulier. Il dit qu’un œil bien sûr ne peut pas entendre, et qu’une oreille ne peut pas voir, et ainsi de suite pour toutes les autres parties du corps ; prises deux à deux, celles-ci ne doivent pas se sentir exclues de ce corps parce qu’elles ne peuvent pas remplir telle ou telle fonction. Chacune est utile à chacune, et chacune doit se sentir comme faisant partie intégrante du corps.Paul rappelle ensuite que c’est Dieu qui a disposé chacune des parties comme il l’a voulu, pour que ce corps fonctionne. Et il n’y a pas de hiérarchie : même si la main qui agit peut sembler avoir une fonction supérieure, elle ne peut rien sans l’ensemble des autres parties du corps pour accomplir sa tâche, sans les yeux par exemple. Il y a ce qui peut paraître des doublons : les oreilles par exemple, mais nous savons bien qu’avec une seule oreille, ou un seul pied, nous sommes handicapés ; et c’est pourquoi Dieu a créé deux oreilles, deux yeux et deux pieds chez l’homme. Et il n’y a pas d’impasse : une main sans doigts ne peut rien faire, et c’est pourquoi Dieu a créé dix doigts chez l’homme. Toute cette organisation du corps a été voulue par Dieu jusque dans ses moindres détails.Paul nous dit aussi : « Aucune partie ne doit se sentir indigne de regard ; toutes les parties, même les plus faibles, sont nécessaires et indispensables, et celles que nous estimons le moins, nous les entourons de plus de soin que les autres. Chaque partie a un égal souci des autres, et si l’une souffre, toutes les autres souffrent, et si l’une est honorée, toutes les autres s’en réjouissent ». C’est tout à fait ce que l’on qualifierait en langage moderne d’esprit de corps, terme assez militaire, mais les chrétiens ne devraient-ils pas être une armée pacifique ?Paul conclut ce chapitre en disant que chacun des constituants de l’Eglise, les apôtres, les prophètes, les enseignants, ou ceux qui accomplissent des miracles ou parlent en langues inconnues, chacun est une partie du corps du Christ, au sens où il l’a défini précédemment, et qu’il doit, au sein de cette Eglise exercer son don, don qui vient de l’Esprit. La foi de chacun doit prendre corps, c’est le cas de le dire, avec l’Eglise, qui, institutionnalisée, a ses règles d’ordre et de discipline qu’il faut bien sûr respecter.
4) Que ce texte représente-t-il pour nous ?
Nous allons maintenant réfléchir à ce que ce texte représente pour nous en l’an 2012.Je ne sais pas comment ont réagi les Corinthiens à cette lettre. C’était un message d’alerte afin qu’ils retrouvent une certaine cohésion, et que chacun ne se prenne pas pour une des parties les plus nobles de ce fameux corps mystique du Christ. Ont-ils évolué ? Probablement, mais les relations sont restées tendues entre Paul et les Corinthiens et il y a eu une deuxième lettre où Paul doit défendre sa légitimité et tente de se réconcilier avec la communauté.
Et nous, en ce dimanche de prière pour l’unité des chrétiens ?
Je rappellerai d’abord que la diversité ou la différence ne sont pas contraires aux principes chrétiens, tant qu’on n’entre pas dans le domaine de la divergence. Il y a dans la Bible des exemples où la monotonie ou l’uniformité ont conduit à un échec, comme dans le récit de la tour de Babel que nous avons lu, où Dieu lui-même est descendu pour mettre la discorde dans le langage des hommes. N’oublions pas non plus que Jésus aussi a choisi pour disciples des hommes de différentes origines. Quant aux quatre Evangiles, leur richesse tient à leur aspect complémentaire dû à la différence de perception et de sensibilité de Matthieu, Marc, Luc et Jean.
Dans la lettre de Paul, chaque individu est traité individuellement par l’Esprit pour l’attribution d’un don. L’unité peut très bien exister dans la diversité, et c’est même cette diversité des dons qui renforce l’unité. Nous faisons chacun d’entre nous partie d’une communauté paroissiale locale, qui appartient à une confession chrétienne, qui fait elle-même partie de l’Eglise. Cette arborescence fait que nous sommes chacun tout petit dans notre monde, mais il n’y a pas de petit dans le royaume de Dieu, et même, dit Paul, les plus humbles sont à protéger en priorité ; alors jouons chacun notre rôle de partie du corps du Christ en cohésion avec nos frères et sœurs.
Sommes-nous en phase de perte de cohésion entre frères chrétiens ?
Ce qui est certain, c’est qu’il y a toujours un risque, en faisant preuve d’individualisme, ou même d’autosuffisance, et en accordant trop de poids à nos convictions personnelles, sans chercher à écouter l’autre. Si nous considérons notre voisin comme une autre partie du corps auquel nous appartenons, alors nous pourrons cheminer ensemble et plus forts, sur le même chemin, ou sur un chemin parallèle, conduisant à Dieu. C’est en ce sens qu’il faut comprendre l’unité des chrétiens, l’unité du corps du Christ sur la terre. Chacun, qu’il soit oreille ou main, œil ou doigt doit jouer son rôle dans l’Eglise, solidairement avec toutes les autres parties du corps. Que ce soit dans notre propre paroisse où chacun peut, je dirais même doit, faire fructifier et développer notre vie communautaire , que ce soit dans notre ville de Neuilly sur Seine où nous sommes justement en train de vivre un moment œcuménique intense, que ce soit n’importe où ailleurs, où nous avons l’occasion de manifester notre joie d’être chrétiens, il ne faut pas hésiter à exercer nos dons. Rappelons-nous ce qu’a dit notre pasteur la semaine dernière : ne pas faire son devoir, ce n’est pas bien, et cela mérite réprimande ; faire son devoir, c’est bien, certes, mais c’est du domaine de la normalité et cela mérite bien sûr de la reconnaissance, mais pas de récompense ; n’enterrons pas le talent que Dieu nous a remis, mais faisons-le fructifier grâce aux dons de l’Esprit afin de faire plus que notre devoir.Je dirais un peu familièrement : nous ne devons pas nous prendre pour le nombril, entre parenthèses, du monde. Si nous sommes doués pour accomplir les fonctions d’un pied, exerçons notre don dans ce domaine sans jalousie vis-à-vis d’autres organes qui peuvent sembler plus méritants, et jouons au mieux notre rôle de pied en harmonie avec toutes les autres parties du corps. Il est un point dans cette image du corps où chacun d’entre nous est un élément avec une fonction particulière, qui peut paraître étonnant. Il en est de même lorsqu’il est dit que « l’Esprit accorde à chacun un don différent, comme Il veut ». En effet, si je ne suis qu’une oreille, n’ai-je le droit que d’écouter, et pas celui d’avoir des pieds aussi pour me déplacer ? Si j’ai reçu le don de « guérir les malades », je n’ai pas la possibilité de « parler selon la sagesse », au nom du Christ ? Je crois que cette unicité de don de l’Esprit ou de fonction du corps n’est qu’une image simplificatrice. Ce que Paul veut dire, je pense, c’est que dans une communauté, il faut que chacun se sente une partie agissante et solidaire de cette communauté et qu’il doit en faire profiter du ou des dons qu’il a reçu de l’Esprit. Paul nous dit : « Ainsi, désirez les dons les plus importants !». Bien sûr le cumul des dons est possible ; de nombreux exemples pourraient être donnés.Nous ne sommes pas des marionnettes manipulées par telle ou telle force ; nous sommes des hommes libres, créés à l’image de Dieu, c’est-à-dire capables de comprendre sa Parole, et de dialoguer avec lui, au nom de Jésus-Christ. Donc, si nous sommes doués pour l’écoute par exemple, n’hésitons pas à demander aussi le don de la parole ! Et même si nous ne ressentons pas de don de l’Esprit, ayons l’audace de faire quand même ce que nous pensons bien à la lumière de l’enseignement de Jésus. Dans notre paroisse par exemple, il y a une multitude de choses à faire dans les domaines du catéchisme, des visites à ceux qui sont en situation de détresse chez eux, à l’hôpital ou même en prison, de l’Entraide, de l’alphabétisation œcuménique, de la communication, de la vie communautaire (groupes d’études, repas), de la musique et pourquoi pas de la prédication ! Ces tâches nécessitent peut-être un surpassement sur soi-même, et il faut avoir le courage et même l’audace de s‘y atteler, même si nous ne sommes pas sûrs de nous, car nous serons soutenus par le pasteur, le conseil presbytéral ou d’autres anciens.N’oubliez pas les paroles de Jésus que nous avons lues dans l’Evangile de Marc : « Celui qui n’est pas contre nous est pour nous » ; c’est comme dans certaines assemblées générales ou l’abstention est comptabilisée comme vote « pour ». Un peu d’humour : « Rien ne sert de s’abstenir, il faut agir à point ». Nous acquerrons alors, j’en suis sûr, une grande richesse intérieure.
5) Message
Le message que je vous propose est le suivant : nous constituons tous un seul corps, dont le Christ est la tête, et chacun d’entre nous en constitue une partie. En tant que chrétien, nous devons apprendre à connaître notre don et l’exploiter en toute humilité et en communion avec tous nos frères et sœurs dans le but de faire vivre sur terre le corps du Christ.C’est cette communion en Jésus-Christ qui doit donner du sens à notre vie, particulièrement en ce jour de la semaine de prière pour l’unité des chrétiens. C’est le bonheur que je souhaite à chacun d’entre nous.Ayons l’esprit de corps de chrétiens, et exerçons nos dons ensemble pour faire vivre ce corps.
SOYONS UNE PARTIE DU CORPS DU CHRIST UNI SELON L’ESPRIT DE DIEU.
Jacques Laloë