Que tout ce qui respire loue l’éternel ! Gilles Castelnau

Accueil Activités Articles Que tout ce qui respire loue l’éternel ! Gilles Castelnau

Exemple

Que tout ce qui respire loue l’éternel ! Gilles Castelnau

 

Épitre aux Colossiens 1. 10-20

L’épitre aux Colossiens chante la grande unité des païens et des juifs que l’auteur élargit à l’unité du cosmos. Le saint Esprit est le Souffle de la vie que Dieu fait monter en nous et en « tout ce qui respire » comme dit le Psaume 150. C’est l’élan vital, la Force créatrice régénérant en nous le Dynamisme créateur qui nous permet d’affronter la vie et ses forces destructrices qui nous tirent vers le bas. Dans un grand enthousiasme, l’auteur de l’épitre aux Colossiens attire notre attention sur son action mondiale, cosmique, dont chacun de nous fait évidemment partie.

Colossiens 1.10-20

Marchez d’une manière digne du Seigneur et lui être entièrement agréables, portant des fruits en toutes sortes de bonnes œuvres et croissant par la connaissance de Dieu, fortifiés à tous égards par sa puissance glorieuse, en sorte que vous soyez toujours et avec joie persévérants et patients.
Rendez grâces au Père, qui vous a rendus capables d’avoir part à l’héritage des saints dans la lumière, qui nous a délivrés de la puissance des ténèbres et nous a transportés dans le royaume du Fils de son amour, en qui nous avons la rédemption, la rémission des péchés.
Il est l’image du Dieu invisible, le premier-né de toute la création car en lui ont été créées toutes les choses qui sont dans les cieux et sur la terre, les visibles et les invisibles, trônes, dignités, dominations, autorités. Tout a été créé par lui et pour lui. Il est avant toutes choses, et toutes choses subsistent en lui.
Il est la tête du corps [de l’Eglise] ; il est le commencement, le premier-né d’entre les morts, afin d’être en tout le premier.
Car Dieu a voulu que toute plénitude habite en lui.
Il a voulu par lui réconcilier tout avec lui-même, tant ce qui est sur la terre que ce qui est dans les cieux, en faisant la paix par lui, par le sang de sa croix.

Nous sommes sans doute dans la 2e moitié du siècle et l’auteur est enthousiaste de constater qu’il existe désormais dans tout l’Empire des Églises chrétiennes. Le Souffle de vie, l’Esmprit que Jésus a fait connaître, se répand partout : l’auteur, animé lui-même de ce grand souffle d’enthousiasme, écrit à l’Église de la ville de Colosses mais il y en a aussi à Ephèse, à Corinthe, à Rome même… Il écrit en grec car c’est la langue de l’Empire que tout le monde comprend dans cette grande unité « mondiale ». On prêche l’Evangile nouveau dans les synagogues et de nombreux juifs se convertissent. On prêche sur les places et les « païens », comme on les appelait, sont nombreux à venir : disciples des philosophes platoniciens et stoïciens, adeptes des religions « à mystère » de Dionysos, d’Osiris, de Mitra…

On a dépassé le problème de Paul qui était naguère de répondre aux juifs stricts qui identifiaient l’amour de Dieu avec la soumissions aux lois matérielles de la nourriture cachère, du respect du sabbat, des prières à heures fixes, de la pureté rituelle, de la circoncision.

Paul avait eu la vision de Jésus ressuscité, glorifié par Dieu malgré sa condamnation par les autorités légitimes du judaïsme officiel. Il avait eu l’assurance de la présence du Christ au cœur des hommes qui pourtant ne respectaient plus les 613 commandements rabbiniques qui séparaient les juifs fidèles des « païens » mécréants. Pour l’auteur de l’épitre aux Colossiens ces problèmes sont désormais résolus, on n’en parle plus, et on se réjouit de la vision nouvelle d’un cosmos centré sur Dieu dans la grande harmonie apportée par Jésus-Christ. On dédicacera l’épitre à Paul à titre de reconnaissance.

Ce n’est pas sur l’Empereur divinisé, sur Zeus ou sur « les Dieux » que le monde est centré mais sur Dieu, sur le Christ ressuscité à Pâques, sur le saint Esprit de Dieu célébré à pentecôte.
Le livre des Actes rapporte une parole de Paul sur l’agora d’Athènes : « en Dieu nous avons la vie, le mouvement, et l’être » (Ac 17. 28).

Un même Esprit, un même Souffle, une même Vie. Dieu du monde entier, de tous les peuples si divers, alors même qu’ils ne respectent plus les règles de Moïse.

En lui ont été créées toutes les choses qui sont dans les cieux et sur la terre, les visibles et les invisibles, trônes, dignités, dominations, autorités. Tout a été créé par lui et pour lui. Il est avant toutes choses, et toutes choses subsistent en lui.

Cette conception du Dieu du cosmos n’est pas vraiment nouvelle. Elle avait été oubliée à cause de l’intégrisme des pharisiens mais on se souvient néanmoins du livre de Jonas qui disait que Dieu était préoccupé de la conduite des habitants de la ville païenne et haïssable de Ninive.

On citait aussi le grand Psaume 148 :

Louez l’Eternel du bas de la terre,
Monstres marins, et vous tous, abîmes, Feu et grêle, neige et brouillards,
Vents impétueux, qui exécutez ses ordres,
Montagnes et toutes les collines,
Arbres fruitiers et tous les cèdres,
Animaux et tout le bétail,
Reptiles et oiseaux ailés,
Rois de la terre et tous les peuples,
Princes et tous les juges de la terre,
Jeunes hommes et jeunes filles,
Vieillards et enfants !
Que tout ce qui respire loue l’Éternel !

Le souffle de l’épitre aux Colossiens nous interpelle lorsque nous imaginons un Dieu outragé et menaçant focalisé sur le « péché » des hommes, considérant que sa « gloire » est atteinte par nos manquements, un Dieu que l’on se représente parfois fou de rage de voir l’humanité lui échapper et menaçant tout le monde de l’enfer !

Il nous fait réfléchir lorsque nous imaginons un Dieu focalisé sur la vérité objective et immuable de certains dogmes comme la Trinité, le Péché Originel, l’Incarnation, la Rédemption par le Sacrifice substitutif de la Croix ainsi que d’autres dogmes considérés comme indispensables dans d’autres religions.

Il nous apporte la détente lorsque nous nous laissons culpabiliser par la conception d’un Dieu terriblement menaçant pour les pécheurs et n’acceptant que les « bons » dans un paradis d’où on craint bien d’être exclu si l’on est homosexuel, si l’on divorce, si l’on commet une IVG ou une euthanasie.

Un Dieu de joie qui criait à Job :

Où étais-tu quand je fondais la terre
alors que les étoiles du matin éclataient en chants de triomphe
et que les fils de Dieu lançaient des acclamations (Job 38)

Le professeur André Gounelle propose plutôt l’image d’un Dieu qui serait le chef de l’orchestre du monde, distribuant des partitions aux musiciens que nous sommes tous, jouant chacun d’un instrument naturellement différent, les uns très doués jouant du Bach, d’autres très simples capables seulement de faire sortir quelques notes de leur pauvre instrument. Un Dieu qui change la partition qu’il nous propose en fonction de nos résultats, qui ne menace pas lorsque nous faisons des fausses notes, qui continue quand même, n’élimine personne (et même les païens se rassemblent avec les juifs) mais se réjouit de la grande harmonie de cet immense orchestre et nous appelle à entrer nous aussi dans son enthousiasme créateur.

Chacun de nous fait ainsi partie de cet ensemble magnifique et peut transformer sa prière du soir (ou du matin ?) en méditation paisible où l’on situe sa solitude, sa famille, son travail, son chômage, ses voisins…) comme une partie de l’orchestre du monde. On développe ainsi une vision de soi, des autres, du monde analogue à la vision que Dieu jette sur le monde, avec toutes les races, les religions, les coutumes, les opinions : car en lui ont été créées toutes les choses qui sont dans les cieux et sur la terre, les visibles et les invisibles, trônes, dignités, dominations, autorités. Tout a été créé par lui et pour lui. Il est avant toutes choses, et toutes choses subsistent en lui.

Il ne s’agit pas de faire un examen de conscience mais de laisser le Souffle de Dieu monter en nous, nous animer, nous engager dans la vie du monde, nous y impliquer : Un peu plus loin dans la même épitre l’auteur précise :

Que règne en vos cœurs la paix du Christ (Col 3.15)

Il n’y a plus ni grec ni juif ni circoncis ni incirconcis, ni barbare ni Scythe ni esclave ni libre Car Christ est tout en tous Col 3.11

Les animaux, l’ensemble de la nature font aussi partie de l’orchestre, François d’Assise l’avait compris, lui qui prêchait aux oiseaux et aux poissons et apprivoisait le loup de Gubbio qui dévorait tous les humains.

Que tout ce qui respire loue l’éternel !

En lui ont été créées toutes les choses qui sont dans les cieux et sur la terre, les visibles et les invisibles, trônes, dignités, dominations, autorités.
Tout a été créé par lui et pour lui.
Il est avant toutes choses, et toutes choses subsistent en Lui.

Gilles Castelnau