Protestantisme réformé et éthique : et vous que dites-vous ?

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Exemple

Protestantisme réformé et éthique : et vous que dites-vous ?

Et vous, que dites-vous ?

Comment se fait-il qu’en matière d’éthique le protestantisme réformé ne donne pas de positions communes et tranchées ?

Telle est la question que l’on nous pose de façon régulière.  Les catholiques et les autres religions donnent des réponses bien tranchées et même des mots d’ordre, comment fonctionne donc l’éthique, la morale, pour les réformés ? Quels en sont les principes et les repères ?

 I. Pourquoi le protestantisme réformé ne donne pas de positions communes et tranchées  en matière d’éthique ?

Trois raisons principales doivent être invoquées pour comprendre le positionnement du protestantisme réformé concernant l’éthique :

1)    La première tient au fait que l’Eglise Protestante Unie de France, s’est constituée sur la reconnaissance positive de leur pluralisme théologique. Ce n’est pas anodin. Il y a peu de religions qui acceptent ouvertement le principe du pluralisme et de la diversité théologique. Notre unité ecclésiale et notre identité religieuse se forment certes sur l’adhésion aux grands principes théologiques de la Réforme luthérienne et calviniste, mais nous regardons comme une chance et une liberté fondamentale de ne pas avoir à nous aligner théologiquement sur une dogmatique absolue. Ce pluralisme théologique auquel nous tenons, et dont nous sommes fiers, implique une diversité de lectures bibliques et évidemment éthique. C’est ici une des raisons de notre pondération en matière de communiqués exprimant des positions dogmatiques.

2)    La deuxième raison qui explique « pourquoi le protestantisme réformé ne présente pas de positions tranchées  en matière d’éthique ? »,  tient au fait que les théologies modernes ont largement remis en cause la conviction du christianisme classique, selon laquelle la Bible offre une « morale révélée ».  Le protestantisme réformé moderne ne considère pas que la Révélation de Dieu concorde immédiatement avec le texte biblique. La Révélation est rapportée au développement du monothéisme et à l’événement Jésus-Christ, voire pour certains au seul événement Jésus-Christ ; aussi l’idée que le texte biblique communique directement la vérité de Dieu a-t-elle très largement été délaissée. Pour les théologies protestantes modernes, le lecteur de la Bible est appelé à distinguer entre la Révélation et l’épaisseur culturelle dans laquelle et au travers de laquelle la Révélation se donne.

3) La troisième raison qui explique « pourquoi le protestantisme réformé ne donne pas de  positions communes et tranchées  en matière d’éthique ? »,  vient enfin de la très grande complexité de chaque cas humain qui se réduit rarement à une réponse « prête à l’emploi ». Nul besoin de s’étendre ici sur ce point, mais il pèse évidemment très lourdement dans la pratique, où il ne va pas toujours de soi de décider ce qui est juste en fonction des intérêts souvent contradictoires des uns et des autres, et où la recherche du moindre mal n’est pas toujours évidente.

Après ce premier repérage, abordons maintenant la deuxième question que j’ai posée dans mon introduction : Comment fonctionne l’éthique en terrain réformé ?

 

II. Comment fonctionne donc l’éthique en terrain réformé ?

 a)    Morale et sociétés

 La morale, c’est-à-dire ce qui a trait aux mœurs (du latin « moralis », en grec « ethicos »), est toujours le produit d’une société donnée. Aucune société ne peut durer, être cohérente et réguler au mieux les intérêts, les pulsions et les désirs contradictoires de ses ressortissants, sans règles morales. Pour réguler sa vie sociale et satisfaire au mieux aux idéaux de bien, de bon et de juste qui l’habitent, une société établit des normes et des règles qui évoluent et se reconfigurent en fonction des conditions de vie ou des transformations sociales. Les différences qui existent d’une société à l’autre sur le plan des valeurs morales, montrent que les impératifs moraux varient entre les sociétés. Les sociétés occidentales modernes regardent cependant les valeurs humaines, comme des valeurs « transculturelles ». C’est ici le fondement de l’humanisme et de la société de droit auxquels le protestantisme historique est très attaché.

 

b)    Humanisme de L’Evangile

 Le protestantisme réformé moderne découvre, en effet, dans sa lecture de la Bible, que l’Evangile reconnaît et défend la dignité et les valeurs humaines. La Bonne Nouvelle de la justification par la foi seule signifie expressément que nul humain ne se réduit à ses œuvres bonnes ou mauvaises. L’humain est toujours plus grand que ses réussites ou ses échecs. Si l’humain possède une valeur infinie devant Dieu que rien ne peut aliéner, et si la grâce et l’amour de Dieu lui sont donnés inconditionnellement, alors le bien, l’épanouissement, la vie les droits de l’humain doivent faire loi pour toutes questions éthiques.

 

c)     La dialectique Loi et Evangile

 C’est évidemment de façon intentionnelle que j’utilise le mot « loi » ! En effet, la morale protestante implique, dès Luther et Calvin, une dialectique entre la Loi et l’Evangile. Pour les réformateurs la grâce ne rend, en effet, nullement le croyant « anomos » (sans loi) ou « anti-nomos » (contre la loi). Paul, chantre de la justification par la foi, s’en explique dans l’épître aux Romains en s’exclamant : « Que dirons-nous donc ? Demeurerions-nous dans le péché, afin que la grâce abonde ? Certes non ! Nous qui sommes morts au péché, comment vivrions-nous encore dans le péché ? » (Rm 6.1-2). Etre délivré de la condamnation de la loi mosaïque, n’implique pas que le chrétien soit affranchi des règles, des lois, des règlements, des limites, qui rendent possible la vie humaine et la vie de la communauté humaine. Au contraire, Luther indique que la liberté chrétienne fait du chrétien « un libre serviteur de tous » ! Ce qui implique le respect de tous et donc de la loi dont le but est précisément d’établir le bien et le droit de chacun, et de reconnaître ce qui est juste, acceptable, possible ou au contraire inacceptable, illégitime, nuisible ou dangereux. La loi, terme qui inclut pour les réformateurs la loi morale et les législations civiles, conserve donc une fonction positive dans le cadre même de la justification par la foi. Le croyant ne la comprend plus sous le seul angle négatif de la contrainte et de la répression, mais également sous l’angle positif de l’établissement des droits des humains et de la recherche d’un pacte social équitable qui rend à chacun le sien. La recherche du juste et de l’équitable ne pouvant se réaliser au détriment de la dignité humaine et de la perpétuation de la communauté humaine, c’est donc à sa finalité morale « humaniste » qu’une loi se révèlera légitime ou non.

 

Conclusion

 L’éthique réformée se veut donc une éthique de l’entre-deux, c’est-à-dire une éthique qui regarde aux intérêts de tous les partis concernés. Une éthique de la sagesse, aussi, c’est-à-dire une éthique qui recherche la juste mesure et l’équilibre pour chacun en réfléchissant aussi sur les conséquences qu’une décision peut entraîner pour tous les partis. Une éthique, enfin, de la responsabilité, c’est-à-dire une éthique qui invite chacun à user de sa liberté avec responsabilité, respect et dignité, vis-à-vis des autres comme de soi-même.