Luther répliqua : « hier, stehe ich » (je me tiens debout ici)

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Exemple

Luther répliqua : « hier, stehe ich » (je me tiens debout ici)

Prédication du Pasteur Gilles Castelnau

 Lectures bibliques :

Esaïe 65.17-25 
Je crée de nouveaux cieux et une nouvelle terre ;
On ne se rappelle plus les choses passées, elles ne reviennent plus à l’esprit.
Réjouissez-vous et soyez dans l’allégresse,
A cause de ce que je crée ;
Car je crée Jérusalem pour l’allégresse et son peuple pour la joie.
Je fais de Jérusalem mon allégresse, et de mon peuple ma joie ;

On n’y entendra plus le bruit des pleurs et le bruit des cris.
Il n’y aura plus ni enfants ni vieillards qui n’accomplissent leurs jours ;
Ils bâtissent des maisons et les habitent ;
Ils plantent des vignes et en mangeront le fruit.
Ils ne bâtissent pas des maisons pour qu’un autre les habite,
Ils ne plantent pas des vignes pour qu’un autre en mange le fruit ;
Ils ne travailleront pas en vain, et ils n’auront pas des enfants pour les voir périr ;
Ils forment une race bénie de l’Eternel et leurs enfants sont avec eux.

Avant qu’ils m’invoquent, je réponds, avant qu’ils aient cessé de parler, je les exauce.
Le loup et l’agneau paissent ensemble, le lion, comme le bœuf, mange de la paille,
Et le serpent a la poussière pour nourriture.
Il ne se fait ni tort ni dommage sur toute ma montagne sainte,
Dit l’Eternel.

 

En 521 Luther est convoqué à Worms devant la diète en présence de l’empereur Charles Quint lui-même, du légat du pape Léon X, des 7 princes électeurs, de 80 princes et d’une grand nombre d’experts en droit canon. On lui ordonne de se soumettre à l’autorité. Il répond :

Votre Majesté sérénissime et Vos Seigneuries m’ont demandé une réponse simple. La voici sans détour et sans artifice. A moins qu’on ne me convainque de mon erreur par des attestations de l’Écriture ou par des raisons évidentes […] ma conscience est captive de la Parole de Dieu ; je ne peux et ne veux rien rétracter. Car il n’est ni sur ni honnête d’agir contre sa propre conscience. Je me tiens ici : « hier stehe ich »

Ce courage, cette force intérieure qui le rendaient capable de tenir le coup, de « se tenir debout », ils les puisaient dans le dynamisme créateur que la présence de Dieu faisait monter en lui.
Courage, force intérieure, dynamisme créateur dont nous avons nous-mêmes tant besoin dans la période d’incertitude et de dépression que nous traversons aujourd’hui.
Cette présence était déjà et pareillement offerte aux Juifs de Jérusalem au 6e siècle avant JC.

 

Retour tragique de l’Exil

Nous sommes à Jérusalem à la fin du 6e siècle av. JC, on vient de rentrer de l’Exil à Babylone. On y était depuis près de 50 ans et pendant tout ce temps on attendait le retour :

Psaume 137
Sur les bords des fleuves de Babylone, nous étions assis et nous pleurions,
En nous souvenant de Sion, aux saules de la contrée nous avions suspendu nos harpes.
Là, nos vainqueurs nous demandaient des chants, et nos oppresseurs de la joie ;
– Chantez-nous quelques-uns des cantiques de Sion !
– Comment chanterions-nous les cantiques de l’Eternel sur une terre étrangère ?
Si je t’oublie, Jérusalem, que ma droite m’oublie !
Que ma langue s’attache à mon palais,

Et maintenant que ça y est on est bien déçu. Ce n’est pas ainsi que les choses devaient se passer.

– Les Juifs revenus d’Exil : Comme en Exil on n’avait plus le temple où Dieu résidait et comme on n’avait plus le roi garant de l’ordre de Dieu, on ne savait plus à quoi se raccrocher. On perdait notre identité. Alors les prêtres nous ont montré qu’en respectant les rites comme le shabbat, la nourriture cachère, la circoncision, les purifications rituelles (se laver les mains, laver les plats d’une certaine manière etc), on
restait fidèle même à l’étranger. C’était bien.

– Des Israélites qui n’avaient pas été déportés pour une raison ou pour une autre se trouvaient déjà là. La cohabitation avec eux n’était pas facile. Ils étaient restés dans une ville presque en ruine, personne ne s’occupait d’eux, ils faisaient n’importe quoi : Ils ne mangeaient même pas cacher, ils ne faisaient pas shabbat. Ils ne respectaient rien :

 

En 65.4 
Ils mangent de la viande de porc,
Ils ont dans leurs assiettes de la nourriture non cachère.

Et en plus ils occupaient nos maisons que nous avions dû abandonner !
Ils disaient qu’ils étaient des israélites mais pour nous ils étaient comme des étrangers.
Et Esaïe disait d’eux (peut-être aussi, il est vrai, de certains de nous) :

Esaïe 66.4 
J’ai appelé, et ils n’ont pas répondu, j’ai parlé, et ils n’ont pas écouté ;
ils ont fait ce qui est mal à mes yeux, et ils ont choisi ce qui me déplaît.

D’ailleurs certains étaient devenus véritablement idolâtres :

Esaïe 65.11 
Vous dressez un autel au Dieu Gad, et vous buvez à la coupe du Dieu Meni !

Ils n’ont pas les mêmes valeurs que nous, ils ne pensent pas comme on a toujours pensé (quoique certains disent que dans le temps, nous aussi, priions Baal et Astarté).

– Et puis il y avait les étrangers. Introduits par les Babyloniens avec Nabuchodonosor ou des immigrés économiques qui s’étaient faufilés. Ils n’étaient pas israélites. Ils n’avaient rien à faire en Terre sainte mais ils étaient là. Certains avaient aussi pris nos maisons. Ils étaient installés et ne voulaient pas bouger. Ils avaient leurs coutumes et leurs Dieux.
Alors les prêtres se sont sentis obligés d’écrire dans le Lévitique :

Lévitique 19.33 
Si un étranger vient séjourner avec vous dans votre pays, vous ne l’opprimerez pas. Vous traiterez l’étranger en séjour parmi vous comme un indigène du milieu de vous ; vous l’aimerez comme vous-mêmes, car vous avez été étrangers dans le pays d’Egypte. Je suis l’Eternel, votre Dieu.

On n’a pas été étrangers au pays d’Égypte il y a très longtemps. On l’a été récemment au pays de Babylone.
On ne souffre plus de la Déportation, ni de la guerre. Il n’y a plus de détresse particulière, de famine par exemple, ou d’épidémie. Mais on est mal. On se déprime.
On est déstabilisés. On se demande ce que fait notre Dieu. Il ne fait rien alors que les murs de Jérusalem ne sont même pas reconstruits et le Temple non plus.
Le peuple est plus fracturé que jamais, gonflé d’inquiétude et le moral en berne. On ne voit pas comment les choses pourraient aller mieux le lendemain alors que tout va dans la mauvaise direction. Comment pourrait-on vivre fidèlement et heureusement dans une Terre sainte qui ne semble plus sainte, où rien ne fonctionne plus comme il convient et où même Dieu semble ne plus se préoccuper de rien.

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Et voilà Esaïe qui prend la parole sur l’esplanade du Temple.
Et les gens ont copié ses paroles, transmises de génération en génération jusqu’à aujourd’hui !

Esaïe 65
Réjouissez-vous plutôt et soyez à toujours dans l’allégresse,
A cause de ce que je crée ;
Car je crée Jérusalem pour l’allégresse et son peuple pour la joie.
Je fais de Jérusalem mon allégresse, et de mon peuple ma joie ;

Dans l’ambiance de dépression, d’anxiété, du « tout va mal », Dieu lance le mot « joie » et reprend l’idée d’une nouvelle création.

Les prêtres venaient d’écrire le récit de Genèse 1 :

Genèse 1
La terre était informe et vide : il y avait des ténèbres à la surface de l’abîme,
et l’esprit de Dieu se mouvait au-dessus des eaux.
Dieu dit :
– Que la lumière soit !
Et la lumière fut.

Un dynamisme créateur de renouvellement, de création heureuse.
Les théologiens du Process le disent bien : Dieu ouvre sans cesse l’avenir, injecte des possibilités nouvelles dans nos pensées et dans le monde.
Il ne détermine pas celles qui seront retenues ou refusées : il propose et l’homme ou la nature dispose. Il fait passer d’un avant à un après.
Et à nouveau l’Esprit de Dieu plane sur le chaos.

Les jeux ne sont pas faits. La situation ne va pas durer. On n’est pas immobile dans un monde sans avenir. Il y a une force de vie à l’œuvre. Il y a une force de vie à l’œuvre dans Jérusalem même si on ne la voit pas. Elle agit dans les cœurs, si on veut bien lui ouvrir son cœur.

C’est dès maintenant que Dieu dit :

Réjouissez-vous et soyez dans l’allégresse,
Je fais de Jérusalem mon allégresse, et de mon peuple ma joie.

L’allégresse et la joie de Dieu sont pour nous aussi.
Il y a communication de l’Esprit heureux de Dieu sur ceux qui y croient.

 

C’est pour un avenir ici et maintenant, et pas plus tard, politique et non pas religieux.
Qu’est-ce qui ne va pas ? Les maisons ?

Ils bâtissent des maisons et les habitent ;
Ils plantent des vignes et en mangeront le fruit.
Ils ne bâtissent pas des maisons pour qu’un autre les habite,
Ils ne plantent pas des vignes pour qu’un autre en mange le fruit

On va se mobiliser, relancer une cohésion sociale et tout reconstruire et réorganiser courageusement.

On se souvient du mot d’ordre fréquent dans l’Ancien Testament pour désigner la vie heureuse et paisible du shalom :

« Chacun de vous vivra sous sa vigne et sous son figuier, et boira de l’eau de sa propre citerne », Es 36.16

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Espérance, renouveau, vie de Dieu.
Dieu ? Vous y croyez ? Y a-t-il un Dieu ?

– Pour parler de Dieu, et le décrire, il ne faut pas se focaliser sur sa nature, il faut parler des hommes :
Esaïe ne dit pas : priez, venez trois fois par semaine à la synagogue, chantez des cantiques, détachez-vous de vos soucis et unissez-vous à Dieu.
Dans les évangiles aussi, pour comprendre la présence de Dieu il faut parler de la vie humaine.

D’ailleurs pour comprendre la vie humaine il ne suffit pas de faire de la psychologie, de la sociologie. Il faut parler de Dieu, de son dynamisme créateur, de son souffle de courage et de force qu’il insuffle dans l’humanité.
Pour comprendre Dieu il faut parler de l’homme et pour comprendre l’homme il faut parler de Dieu.
Le théologien Paul Tillich disait bien :

Dieu est en nous, il est plus que nous, mais il n’est pas sans nous.

– Esaïe ne dit pas que c’est Dieu qui va tout faire, qu’il n’y a qu’à attendre qu’il agisse. Dieu parle au temps hébreu de « l’inaccompli » (qui inclut à la fois notre futur, notre préset, notre conditionnel) : il dit qu’il est en train de créer un nouveau ciel et une nouvelle terre et il est clair que ce sont les hommes qui vont, dans l’ambiance nouvelle et la présence dynamisante de Dieu bâtir des maisons et planter des vignes.
La créativité de Dieu est de rendre possible la construction des maisons et la plantation des vignes.
Ce n’est pas Dieu qui va apporter de la nourriture au Sud Soudan et arrêter les massacres, arrêter la persécution des homosexuels en Tchétchénie, apaiser les islamistes et arrêter leurs attentats, redonner du courage aux Français désespérés, s’occuper des licenciés, des délocalisés, des chômeurs, des immigrés, des malades du cancer, du sida, des endeuillés…
Mais ce qu’il fait est d’apporter la force, l’élan, le courage, l’espoir permettant la solidarité, l’entraide, le soutien mutuel, le courage de vivre.

Albert Schweitzer disait : « au lieu de te demander si tu crois en Dieu, commence par faire quelque chose pour lui ».
Il ne faut pas se demander si on croit vraiment à l’existence de Dieu. Il faut se demander si on souhaite vraiment entrer dans sa joie et son allégresse.

– Pour savoir si on est fidèle à Dieu, disait Albert Schweitzer, il faut commencer par faire quelque chose dans la direction qu’il indique.

 

Eschatologie

Ce terme désigne la connaissance des événements de la fin du monde. Dieu parle encore à l’inaccompli : la fin du monde n’est pas forcément dans un au-delà, un autre monde. Elle peut-être dans un monde autre qui est en train de se créer actuellement.

Le loup et l’agneau paissent ensemble, le lion, comme le bœuf, mange de la paille,
Et le serpent a la poussière pour nourriture.
Il ne se fait ni tort ni dommage sur toute ma montagne sainte,

L’esprit créateur de Dieu est prolongé totalement, à l’infini, dans l’idée que rien n’est désormais impossible, qu’il ne faut pas se contenter de peu de choses. N’est-on pas sorti d’Égypte, ce qui était impossible ? Le Christ n’est-il pas ressuscité ? Le paralysé n’a-t-il pas marché ? C’est le rêve de la présence divine, de l’âge d’or.

Est-il présent dans nos pensées ? Quels sont nos rêve ? Entrons-nous dans le grand rêve créatif de Dieu ?

Pensons à Martin Luther King qui se laissait animer intérieurement par l’Esprit saint :

Je rêve qu’un jour sur les collines rousses de Géorgie
les fils d’anciens esclaves et ceux d’anciens propriétaires d’esclaves pourront s’asseoir ensemble à la table de la fraternité.

Et j’aime bien le rêve qu’Alfred de Musset imaginait dans le cœur de son amoureuse :

Peppa à quoi rêves-tu ?
Peut-être à ces grandes montagnes
Qui n’accouchent que de souris
A des amoureux en Espagne
A des bonbons, à des maris
A ta robe, aux airs que tu danses
Peut-être à moi, peut-être à rien