Nos images de Dieu, par Arnaud, prédicateur laïc

Accueil Activités Articles Nos images de Dieu, par Arnaud, prédicateur laïc

Exemple

Nos images de Dieu, par Arnaud, prédicateur laïc

Lectures

Livre d’Ezékiel 34, 11-12.15-17

Psaume 22, 1-2ab, 2 à 6

1ère lettre de Paul aux Corinthiens 15, 20-26.28

Évangile de Matthieu 25, 31-46

Introduction

Les chrétiens que nous sommes cherchons toujours et souvent en vain à visualiser Dieu, à lui donner une image que l’on pourrait appréhender, à laquelle on pourrait se raccrocher, Bref une image qui nous parle. Pourquoi ? Parce que cela nous rassure, cela humaniserait ce Dieu que nous ne pouvons saisir. Cela créerait un sentiment de proximité et d’assurance.

I. Les images simples de Dieu et de son message

Les premières images de Dieu décrites dans la Bible peuvent paraitre caricaturales. La première image proposée est celle d’un dieu protecteur. Le Seigneur est mon berger, rien ne saurait me manquer, chante le Psaume 22. C’est une image bien rassurante de Dieu pour nous ses brebis. Dieu nous protège. Si on devait s’égarer il nous remettrait dans le droit chemin. Si on devait se blesser, il nous soignerait. C’est l’image du Dieu Pasteur qui montre la voie et c’est celle du Berger protecteur de ses brebis. De quoi devrions-nous nous soucier, quoi qu’il arrive il sera là. Mais cette vision protectrice est sans doute un peu réductrice. Présenter Dieu comme un Berger protecteur et nous comme des brebis soumises sous sa protection est-ce vraiment la bonne image ? Devrions-nous nous réjouir de cette position de servitude ou pleurer le manque de piment, de responsabilité qu’elle représente ? La vision déterministe et protectrice de Dieu, au-dessus de nous, en est presque ennuyeuse. Nous sommes là mais n’avons qu’à nous laisser porter par Dieu. Rassurant mais certainement pas très valorisant.

La seconde image dans l’Evangile de Matthieu est celle du Dieu qui juge. C’est une vision forte que l’on retrouve dans beaucoup de textes. Par son jugement, Dieu n’est plus protecteur mais sépare de manière manichéenne les bons et les mauvais. Ce Dieu roi, ce Dieu juge nous interpelle. Ceux qui nourrissent leurs prochains, leur donnent à boire, les habillent, les soignent et les accueillent sont les justes à qui il est promis la vie éternelle. A l’inverse, ceux qui ne se sont pas mis à son service subiront le châtiment éternel. C’est un message responsabilisant pour les humains, qui seront jugés sur leurs actes. Cette posture de Jésus roi et juge de l’univers, est plus régalienne. C’est une vision forte voire agressive que ce jugement, cette séparation des brebis et des chèvres, des bons et des mauvais animaux du troupeau. C’est aussi une vision anxiogène pour les hommes de se dire que le jugement dernier nous conduira dans une case ou dans une autre.

Mais ces deux visions de Dieu simples et sans doute contradictoires, ne sont-elles pas un peu simplistes ? Comme toute institution, l’église a besoin de messages simples pour frapper les esprits. C’est une règle de communication que l’on apprend tous les jours dans la vie professionnelle. Pour « passer », comme on dit dans les médias, il faut que le message soit simple. Pour frapper les esprits, il doit se ramener à une, deux ou trois idées simples. Le seigneur est mon berger, le seigneur est roi. Si nous faisons le bien, nous aurons la vie éternelle, si nous nous égarons, nous subirons le châtiment éternel.

Pourtant ces visions simples ne sont-elles pas réductrices, voire dangereuses ? Celle déterministe du berger protecteur de son troupeau ouvre la voie à des comportements très aléatoires. Finalement je m’enfiche car quoi qu’il arrive Dieu me remettra dans le droit chemin. Celle régalienne du Dieu roi qui juge n’est pas moins dangereuse. Il suffit pour cela de voir tous les fanatiques et extrémistes religieux issus de nombreuses confessions pour s’en convaincre. Les actes révoltants vécus en France ces derniers mois ne sont-ils pas révélateurs de cette volonté de certains de vouloir faire la loi et juger les actes des uns et des autres, soi-disant au nom de Dieu. De messages simples pour marquer les esprits, on passe très vite à des messages simplistes, réducteurs et dangereux.

II. Le message de Dieu est fort, complexe et ne peut être mis dans une boîte

Comment interpréter ces différentes images de Dieu ? La première image, celle du Pasteur et du Berger est intéressante pour mieux comprendre l’universalité du Royaume de Dieu. Celle du Dieu roi qui juge, ensuite, met en évidence la puissance de Dieu et la force de son message. Mais c’est une vision pourtant paradoxale que de présenter le Christ comme Pasteur, comme Berger, puis comme Roi et comme Juge pour le voir ensuite mis à mort et terminer sur la croix.

La multiplicité de ces images est intéressante. Elle permet de ne pas enfermer Dieu dans un modèle humanisé. Car comment sinon résoudre ces visions contradictoires de Dieu et de son fils Jésus ? Nous pouvons accueillir ces évocations, sinon contradictoires, pour le moins paradoxales, du visage de Dieu, pleinement révélé en Jésus, comme une invitation à ne jamais enfermer Dieu dans des définitions, aussi belles soient-elles. On ne peut mettre le message de Dieu dans une boîte. Car Dieu est tellement plus grand que les mots que nous utilisons pour parler de lui que l’on ne peut le réduire à quelques images.

Ramener Dieu à une vision humaine, c’est ce que nous essayons de faire tout le temps. C’est tellement rassurant de pouvoir « humaniser » Dieu. D’ailleurs Jésus, comme prophète et fils de Dieu n’est-il pas lui-même une image humanisée de Dieu ? Le ramener à ce que l’on connait, rend son message « actionnable » comme on dit dans le milieu professionnel. Cela permet de conjuguer Dieu à toutes les sauces humaines et de trouver une réponse à nos situations du quotidien. Mais c’est enfermer Dieu dans une image réductrice. Ramener Dieu à des images terrestres, c’est la solution de facilité et c’est aussi une illusion dangereuse.

La complexité de Dieu fait partie de son identité. C’est cette complexité qui rend le message de Dieu si puissant. Son message est complexe et multiforme. Toute vision réductrice risquerait de limiter Dieu et son message à une recette de cuisine. N’ayons pas peur de Dieu qui jamais ne nous enferme, qui ne cesse de nous proposer des chemins de libération. Ne craignons pas son jugement. Dieu est complexe et doit l’être pour éviter tout raccourci sur son message.

La complexité du message de Dieu doit nous inviter à réfléchir, à nous remettre en cause et à chercher des chemins par nous-mêmes. Il n’y a de recette de cuisine dans la Bible, ni dans le message de Dieu. Dieu ne sortira jamais d’une boîte magique. La complexité du message de Dieu pose les bases de notre foi. Elle invite chacun à travailler sur soi et à cultiver sa foi, plutôt que la recevoir comme un petit oiseau recevant la béquée de sa mère. Le message de Dieu invite chacun à appréhender la complexité de l’existence. Mais surtout à travers ces multiples images, la Bible met en évidence par petites touches impressionnistes la complexité de vivre dans la foi et dans l’amour de Dieu.

III. La complexité de Dieu est son amour

Dieu est amour et c’est là la plus grande complexité. Il faut aller au-delà de l’image et de la caricature, aller au-delà des clichés et remonter à l’essence même du message. L’amour de Dieu est protecteur comme un berger, il nous donne la voix comme un pasteur. Pourtant notre conscience, ou souvent notre mauvaise conscience, permet de nous questionner sur la cohérence de nos pensées et de nos actes avec le message d’amour de Dieu. C’est une question bien existentielle que de se demander si un jour Dieu nous jugera ou pas. Et c’est sans doute une représentation simple et donc fausse que de présenter l’amour de Dieu comme un juge de nos actes et de nos pensées.

Mais c’est un tout autre chemin spirituel que de travailler avec notre petite voix intérieure sur la justesse de nos pensées et de nos actes. Je me suis souvent dit que cette petite voix qui me questionnait et rappelait à l’ordre parfois dans l’auto-évaluation de mes pensées et de mes actes était le meilleur symbole du Saint- Esprit. Mais elle est d’abord là pour se juger soi-même, pour faire ce travail d’introspection plutôt que pour juger les autres.

Le message d’amour de Dieu est complexe. Il n’y a pas plus puissant que l’amour. Mais il n’y a pas plus fragile que l’amour. Nous en savons tous, au moins un peu, quelque chose ! La force de l’amour, c’est de ne jamais pouvoir s’imposer. Un amour qui s’impose, ce n’est plus de l’amour. Mais c’est aussi sa fragilité. Au risque de prendre à mon tour une image, par définition réductrice, pensez à l’amour des parents que nous sommes vis-à-vis de nos enfants. Il est fort et fragile à la foi. Il protège et gronde parfois mais pardonne. Il accompagne mais doit responsabiliser. Il soutient et encourage mais pousse chacun de nos enfants à prendre peu à peu son autonomie. Il donne et reçoit, il est exigeant mais indulgent. Bref il est complexe et multiforme et le réduire à une seule de ces situations est sans doute simpliste.

La force de l’amour de Dieu, c’est de ne pouvoir et de ne vouloir que se proposer. La puissance fragile du jugement du Christ-Roi est là. Christ-Roi, Christ en croix. Le jugement est bien là, en pleine lumière sur la croix. Dieu n’a de cesse de nous proposer son amour pour que nous puissions en vivre, pour que nous puissions être libérés de tous ces égoïsmes qui nous attristent, de tous ces replis qui nous étriquent, de tous ces manques de solidarité qui nous déshumanisent tous ces enfermements, tous ces enfers dont nous sommes responsables. C’est pour notre bonheur qu’il se présente alors tout particulièrement à nous dans le visage des petits. Laissons Dieu se manifester à nous dans toutes ces formes paradoxales et n’essayons pas de réduire son amour à quelques clichés ou quelques images terrestres.

Conclusion

Nous avons redécouvert ces images de Dieu et de son amour. Au-delà du contexte historique dans lequel elles ont été décrites, elles essaient, par vertu pédagogique, de montrer des dimensions de l’amour de Dieu par des images simples et humaines. Mais prenons les pour ce qu’elles sont, c’est-à-dire à dire comme une parmi de multiples couleurs de cette belle mosaïque complexe que représente l’amour de Dieu. Prenons-les comme une manière pour nous d’appréhender par petite touche la complexité et l’immensité de l’amour de Dieu. Prenons-les comme une manière de stimuler notre chemin spirituel vers la foi et l’amour de Dieu. Amen.